CROATIE, LES LACS DE PLITVICE.
Les lacs Kaluderovac et Novakovica brod, reçoivent tout deux les eaux des lacs en amonts au travers de cascades de 40 à 80 mètres de hauteurs qui constituent, les plus grandes cascades de Croatie.
Quelle déception lorsqu’Isabelle m’annonce que nous partons en Croatie. Je rêvais depuis des mois de grands canyons, de geysers islandais, de forêt primitive malgache, et nous voila à Zagreb, en ex Yougoslavie, en vol sec, une voiture de « Loc », et pas une nuit d’hôtel réservée ! Quelle Idée ?!... Et finalement quelle bonne Idée !!!
Nous découvrons l’une des plus belles côtes qui nous ait été donné de connaître. Un véritable festival. L’Istrie, Troguir, Split, Korkula, et la plus belle ville d’Europe à mon sens, Dubrovnik, qui seront l’occasion d’un prochain reportage sur les « perles de l’Adriatique ».
Nous quittons à contre cœur la côte Adriatique entre l’Istrie et Troguir, pour une incursion à l’intérieur des terres, sur la frontière bosniaque. Notre objectif : les Lacs de Plitvice.
Campé à mi chemin entre Zagreb et Zadar, le parc national des lacs de Plitvice est le plus vieux des parcs du Sud de l’Europe. Joyau naturel de l’ex-Yougoslavie au sein d’une forêt primitive d’hêtres et de sapins blancs, le Parc des Lacs de Plitvice est un ensemble de 16 grands lacs turquoises, reliés entres eux par une centaine de cascades et de petites rivières tourmentées, s’écoulant sur un dénivelé de 160 mètres au creux d’un plateau karstique.
Arrivé d’Opatia la veille, nous avons pris une chambre à proximité du parc pour une nuit chez l’habitant dans un petit chalet, pour cinquantaine d’euros. Avec notre jeune Romane (5 ans à l’époque), que je finirai par devoir porter sur mes épaules, nous n’avons prévu qu’une journée d’excursion, même si le site peut en mériter deux.
Le ciel est « bouché », dommage pour la photo. Qu’à cela ne tienne ! Un peu de fraicheur et un ciel ombragé ne seront pas de trop pour arpenter les 18 km du parcours de rondins de bois enjambant les plans d’eau du parc, au cœur de chutes et de cascades tumultueuses. Nous aurons également l’occasion de souffler un peu à bords des bateaux électriques traversant les plus grands lacs.
Nous débutons notre excursion par le Lac Proscansko au point culminant du parc, que nous rejoignons à bord d’un train panoramique serpentant en haut des gorges. Ce petit voyage en train sympathique est l’occasion d’admirer le dessin des parcours de rondins de bois au creux des cascades, et d’apprécier l’étonnant dénivelé en terrasse des différents lacs.
Que d’eau ! Et quels paysages enchanteurs… Les petits plans d’eau turquoise aux détours des bois touffus, les cascades sortant de nulle part, les arbres aux racines noueuses, presque humaines…On se croirait fans la forêt de Merlin l’enchanteur…
Les Lac de Plitvice tiennent leur nom de leur faible profondeur, plitvak en croate. D’après la légende, les lacs de Plitvice aurait été créés par la « Reine Noire ». La magicienne aurait fait pleuvoir pour répondre aux prières des paysans de la région, qui souffraient d’une longue période de sécheresse.
L’eau des lacs provient essentiellement de la « Bijela Rijeka », la « rivière blanche » qui doit son nom au sable blanc calcaire qui sort de sa source, et de la « Crna Bijeka », la « rivière noire » qui doit son nom aux mousses sombres qui tapissent son lit. De nombreuses sources souterraines viennent également alimenter dans une moindre mesure les plans d’eau du parc.
« Folklore et légendes obligent », c’est tout de même la « Reine Noire » qui donne son nom au lac Proscansko, le premier lac supérieur du parc, dans lequel viennent s’écouler la Bijela Rijeka et de la Crna Bijeka.
Les divers plans d’eau du parc se divisent en lacs supérieurs et lacs inférieurs, offrant des paysages et panoramas tous différents. Les lacs arborent des teintes changeantes allant du bleu profond au vert vif en passant par des teintes pastelles de bleu, de vert et de gris. Ces couleurs dépendent de la quantité de minéraux et de micro organismes contenus dans l’eau, ainsi que de l’angle du soleil au moment où vous les admirez.
Les lacs supérieurs sont séparés par des barrières rocheuses débordant de mousses et d’algues qui retiennent le carbonate de calcium de l’eau lorsqu’elle se perd dans le karst, provoquant la naissance de barrières de travertin et la « pétrification » des fonds aquatiques. De chutes d’eau en cascades, nous arrivons aux lacs inférieurs moins profonds et plus calmes, qui suivent un processus similaire de « pétrification » des fonds, et qui se répandent au sein d’une végétation plus clairsemée, d’arbres et de roseaux, où aiment à nidifier les canards sauvages.
La faune et la flore prospèrent sans limite dans l’espace protégé du parc. Les rivières et les lacs pullulent de poissons peu farouches, qui se laissent caresser du bord pour la plus grande joie de Romane. Le parc accueille également une multitude d’espèces d’oiseaux et de mammifères, dont des ours, des lynx et des loups totalement invisibles la journée. « Chaque saison a son charme ! Revenez en automne pour admirer le spectacle des feuillages aux couleurs flamboyantes… », nous dit un guide enthousiaste. Lhomme indique au passage que le parc abrite une cinquantaine d’ours bruns sur les 400 qui peuplent les Balkans. Romane redouble de vigilance pour ne pas croiser un loup. Et elle me fera remarquer, un serpent de prélassant dans une cascade sur notre chemin, sans pourvoir déterminer s’il s’agit d’une couleuvre ou d’une vipère cornue, les deux espèces de serpents ayant colonisé le parc.
L’eau pénétrant la roche poreuse, et réapparaissant par endroit, creuse des grottes majestueuses. Les plus impressionnantes sont les grottes Supljara que l’on traverse en suivant le chemin qui surplombe le canyon des lacs inférieurs, et la grotte Golubnjaca longue de 120m, avec ses entrées et sorties de 24 et 46 m de haut ! Au chapitre des records, les deux derniers lacs du parc, le lac Kaluderovac, qui doit son nom à un ermite qui vivait à proximité et le Lac Novakovica brod, reçoivent tout deux les eaux des lacs en amonts au travers de cascades de 40 à 80 mètres de hauteurs qui constituent, les plus grandes cascades de Croatie.
Mais la véritable vedette du Parc des lacs de Plitvice, c’est le « travertin », plus communément appelé « tuf calcaire ». Le travertin est le résultat d’un « phénomène » que j’ai déjà pu observer au célèbre « Château de Coton » de Pamukkale en Turquie. C’est est une roche sédimentaire de couleur blanche quand elle est pure, ou tirant vers le jaunâtre, le rougeâtre, ou le marron selon le degré d’impuretés qu’elle renferme. Erodant mécaniquement et chimiquement les roches, l’eau combinée au dioxyde de carbone du sol forme de l’acide carbonique qui dissout le calcaire du plateau karstique. Le calcaire présent sous forme d’ions dissous dans l’eau, précipite sous forme solide aux émergences de sources ou cours d’eau à petites cascades, formant le travertin.
C’est le travertin qui forme les barrages à l’origine des lacs de Plitvice, et modifie sans cesse l’aspect du site depuis quatre mille ans. C’est encore lui qui « pétrifie » la végétation au fond des plans d’eaux et rivières. Le travertin se dépose au fond de l’eau sur les racines d’arbres, les mousses et les algues. La végétation repousse sur le tapis de tuf calcaire et le procédé recommence à l’infini...
Avant de découvrir l’endroit de mes yeux, j’ai longtemps cherché pourquoi ce site paradisiaque a pu être au 16ème siècle, surnommé le « Jardin du Diable ». J’ai d’abord cru que c’était dû aux nombreux animaux et personnages qui, selon la légende, se sont noyés dans les Lacs de Plitvice: Le gitan, « cigino » en croate qui donne son nom au lac Ciginovac. Baltinic, un paysan, qui donne son nom au lac Batinovak. Il y a également le lac Milino, dont le nom vient de Mile Miric, un pêcheur qui s’y serait noyé en marchant sur du bois pourri. Etonnant d’autant que ce lac fait un mètre au mieux de profondeur. Et enfin le lac Kozjak, le plus grand lac du site, long de 2 km et profond de 46 m, qui doit son nom à une trentaine de chèvres (Kozak) qui s’y serait noyée…
C’est en découvrant les fonds « médusés » des plans d’eau, que j’ai compris que les Lacs de Plitvice devaient leur surnom au Travertin pétrifiant tout sur son passage, et donnant naissance à des paysages aquatiques lunaires et fantomatiques, tous plus beaux et mystérieux les uns les autres.
La faune prospère sans limite dans le cadre protégé des Lacs de Plitvice. Les poissons peu farouches, se laissent caresser du bord, pour la plus grande joie de Romane.
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