Bolivie - Sud Lipez - Voyage de Noces dans l'Altiplano Bolivien
28 juil. 2009Bolivia - South Lipez : Honeymoon in the Bolivian Altiplano
English translation at the end of the article
Le Salar de Uyuni, un Désert de Sel grand comme deux départements Français...
J’avais entouré la destination de notre Voyage de Noce d’un voile de mystère et d’aventure. « Nous serons seuls au monde. » avais-je glissée à l’oreille d’Isabelle devant l’autel. Je ne croyais pas si bien dire devant le sentiment écrasant de solitude que nous ressentons face à l’immensité brillante comme la neige, qui s’étend à l’infini devant nous.
Une nuit de noce à 3700m d’altitude, dans un hôtel de sel…
Nous allons passer notre nuit de noce dans « l’hôtel de Sel », une bâtisse dont les murs, la charpente et l’aménagement intérieur, sont entièrement construits en briques de sel. Seuls le toit, les portes et les fenêtres sont en chaume ou en bois. Je ne peux m’empêcher de passer la langue contre un mur, et de faire rire Isabelle de me voir lui confirmer en grimaçant que « notre igloo de lune de miel » est bien tout en sel !
La nuit tombe doucement sur le Salar de Uyuni. Isa et moi restons en extase sur le pas de la porte l’hôtel à contempler cette fin de journée changeant la couleur du Salar. Avec le soleil couchant, le Salar passe d’un blanc étincelant à des teintes ocres puis beiges. Nous sommes presque étonnés de pouvoir nous asseoir sur la banquise de sel pour jouir du spectacle sans se geler les fesses. Mais les 3700 m d’altitude de l’hôtel de sel nous ramènent vite à la réalité. La température chute rapidement en dessous de zéro. Et elle descendra jusqu’à -25°C au plus profond de la nuit. Une nuit de noce qui sera aussi blanche que le Salar, ensorcelés par la magnificence des lieux, et surtout par une pleine lune majestueuse éclairant la surface du Salar comme en plein jour…
La plus grande réserve de sel du monde, exploitée par des ouvriers fantômes…
Le Salar de Uyuni a la particularité d’être la surface plane la plus vaste du monde et de constituer la plus grande réserve de sel de la planète. 10 000 km² de sel sur une profondeur allant de quelques centimètres à une trentaine de mètres par endroits.
Une quantité incommensurable de sel, exploitée artisanalement par les campesinos du petit village de Colchani. Tels des fantômes derrière des cagoules de laine et des lunettes de glaciers pour se protéger de la réverbération et du sel qui rongent leur peau, les ouvriers de Colchani raclent la surface du Salar à la pelle et à la pioche pour 3 € par jour.
La journée se termine lorsque les campesinos signent de leurs initiales les cônes de sel qu’ils ont formés. Des cônes qui seront acheminés le lendemain par camion au village, où d’autres campesinos travailleront au raffinement du sel sur des foyers alimentés jours et nuits dans des usines de fortune.
"La Isla de los Pescadores" : Une île rocailleuse colonisée par des cactus géants dans le Salr de Uyuni, Sud Lipez, Bolivie...
Le Salar de Uyuni, une ancienne mer qui s’étendait jusqu’au Lac Titicaca…
La formation du Salar de Uyuni reste mystérieuse. Le tenancier de « l’Hôtel de Sel » est heureux de pouvoir converser avec des étrangers. Il raconte que le Salar serait une ancienne mer qui s'étendait jusqu’au lac Titicaca, à des centaines de kilomètres au nord. Le vieil homme, au visage marqué par la rudesse du climat, le sel et la réverbération du soleil, nous invite à revenir à la saison des pluies. « A cette époque de l’année », s’émerveille t-il, « le Salar est noyé sous une fine couche d’eau. Il se transforme en un miroir infini qui reflète si bien le ciel, que l’horizon disparaît. L’hôtel semble flotter au milieu des nuages, et en se promenant, on a l’impression d’être suspendus dans les airs… ». Face à l’enthousiasme avec lequel il nous décrit « son Salar », nous n’osons pas dire au vieil homme que sa vie tranquille risque prochainement d’être bouleversée. Le Salar de Uyuni, bien que site protégé, abrite la moitié des réserves de la planète en lithium, un métal alcalin argenté et convoité, qui a la particularité d’être le plus léger des solides…
"La Isla de los Pescadores" : Une île rocailleuse colonisée par des cactus géants dans le Salr de Uyuni, Sud Lipez, Bolivie...
"La Isla de los Pescadores" : Une île rocailleuse sur un océan de sel craquelé, colonisée par des cactus géants…
Marcos, notre chauffeur, débarque à l’aube pour nous emmener découvrir une autre particularité insolite du Salar. Nous parcourons une trentaine de kilomètres dans un blanc étincelant, jusqu’à ce qu’apparaisse un point flottant sur l’océan de sel craquelé. Nous accostons sur « la Isla de los Pescadores », une île fantomatique sur laquelle pousse des centaines de cactus millénaires en forme de chandeliers, et dont certains atteignent plus de dix mètres de haut.
"La Isla de los Pescadores" : Une île rocailleuse colonisée par des cactus géants dans le Salr de Uyuni, Sud Lipez, Bolivie...
Nous faisons aussitôt l’ascension de l’île entre les cactus géants, tandis que Marcos choisit minutieusement des aiguilles sur un cactus géant, qu’il donnera ce soir à sa mère pour tricoter.
"La Isla de los Pescadores" : Une île rocailleuse colonisée par des cactus géants dans le Salr de Uyuni, Sud Lipez, Bolivie...
Nous marquons un arrêt à mi- sommet devant le spectacle magique de « viscachas », des gros lapins aux pattes de kangourous, qui s’éloignent de rochers en rochers en quelques bons prodigieux…
Un voyage de 200 ans en arrière, le temps d’une nuit chez la mère de Marcos…
La mère de Marcos, une vieille indienne sans âge du village de San Pedro, n’a ni l’électricité ni l’eau courante. Autour de la maison, il n’y a pas de commerce. Juste une vielle voie de chemin de fer pour relier le village au reste du monde. Il passe paraît-il un train par jour à la gare de San Pedro. C’est là que les enfants vont faire le plein à une pompe à eau, dans un balai incessant de brouettes remplies de bidons en plastique. Les rares habitations du Village de San Pedro, pour la plupart abandonnées, abritent quelques indiens vivant pauvrement d’élevage de lamas et d’agriculture.
Sur le papier, la Bolivie est le 2ème pays le plus pauvre d’Amérique latine après le Guyana. Mais la situation n’est pas aussi critique qu’il y parait. Car de nombreux boliviens ruraux vivent en dehors du « système », en complète autarcie. Descendants de chasseurs nomades arrivés de Sibérie il y a 30 000 ans par le détroit de Béring, les indiens de l’altiplano restent à l’image de la région, austères, rudes et solides. Viscéralement attachés à leurs terres, ils ne se plaignent jamais de leur sort, et estiment paradoxalement que leur vie est bonne et « tranquillo ».
Fidèle aux traditions, la mère de Marcos file la laine de Lamas sans discontinuer…
Marcos remet à sa mère les aiguilles de cactus qu’il a récupérées sur la « Isla de Los Pescadores ». La vieille femme est émouvante dans sa dignité. Elle arbore un empilage de jupons sous un tablier de dentelle. Sa chemise blanche est fermée au col sous un gilet de laine. Et son chapon melon coiffe une raie au milieu et deux longues tresses jointes dans le dos par une touffe de laine noire.
Le costume « Chola », tenue stéréotypée des femmes andines devenu l’emblème du pays, leur fût imposé au 18ème siècle par le roi d’Espagne pour éradiquer les costumes folkloriques locaux, et saper l’identité des indiens aymara et quechua colonisés…. Fidèle à la tradition de cette région d’élevage de lamas et d’alpagua, où les filles apprennent à filer ou à tisser dès le plus jeune âge, la mère de Marcos consacre tout son temps libre au fuseau et au métier. Assise ou debout avec son stock de laine brute dans le dos, la vieille femme file de la laine constamment, et ne s’arrête que pour nous réchauffer une galette de pain sur un vieux poêle.
Carlos, camionneur et contrebandier de llaretta...
Carlos, le frère cadet de Marcos, n’est pas très bavard. Il ravive régulièrement les braises du vieux poêle, en mâchant ses feuilles de coca l’air absent. Si la Cocaïne est interdite en Bolivie, la Coca elle, est vénérée dans le pays comme un don divin censé chasser les mauvais esprits. « Mâchée » quotidiennement par une majorité de boliviens, la coca ne provoque pas d’effets démesurés. Elle donne la sensation d’être détaché, mélancolique et agréablement satisfait, faisant oublier la faim et l’altitude. Il faut une demi tonne de feuilles de coca et quelques hectolitres de kérosène, d’acide chlorhydrique et autres produits chimiques pour faire un kilo de cocaïne. Malgré les centaines de millions de dollars de subventions américaines pour financer la destruction des champs par le largage sauvage de pesticides, ou inciter les paysans à changer de culture, un quart de la population bolivienne vit encore plus ou moins directement de cette drogue. Tant que la Cocaïne sera illégale et que la demande se maintiendra, il est improbable que les dealers et trafiquants internationaux renoncent aux bénéfices qu’elle représente. De même qu’il sera difficile pour les paysans boliviens de renoncer à la culture d’un arbrisseau qui donne facilement 4 récoltes par an, et dont la production se vend plus facilement que n’importe quelle autre.
La Llareta de l'Altiplano dans le Sud Lipez, en Bolivie. Une plante médicinale protégée et en voie de disparition, utilisée comme bois de chauffage par les indiens de la région...
Carlos est chauffeur de camion, et contrebandier de llareta à ses heures. La région du Sud Lipez est couverte dans sa majorité par « la réserva nacional de fauna andina Eduardo Avaroa ». Cette réserve a été créée en 1973 pour protéger un écosystème naturel aussi exceptionnel que fragile, composé de flamands roses, de renard des Andes, et d’espèces en voie de disparition comme la vigogne, cousine sauvage du lama, et la llareta, une plante racine à forte odeur aromatique. Carlos va chercher des bottes de llareta dans son camion pour les donner à sa mère et en jette au passage dans le poêle. La llareta, appréciée pour ses vertus médicinales, est principalement utilisée dans la région comme bois de chauffage. La llareta a une combustion très lente et est d’autant plus précieuse que les arbres sont inexistants aux altitudes du Sud Lipez… Carlos se réchauffe une dernière fois les mains au-dessus du feu avant de disparaître avec son camion dans une nuit d’encre. La pleine lune va bientôt se lever, et il doit se hâter de contourner discrètement les contrôles routiers et barrages militaires pour rejoindre Uyuni, où il vendra sa cargaison illégale de llareta…
Un pays en crise et un Président pro-gringos peu apprécié, surnommé « Gonnie »…
La mère de Marcos n’a pas la radio, et encore moins la télévision. Mais elle reste bien informée de ce qui se passe dans le pays grâce à son fils, qui profite de ses passages pour lui apporter le journal, et lui faire la lecture des actualités à la lueur des bougies. A l’origine, la Bolivie est une « république calquée et adossée » au modèle des Etats-Unis. Bien qu’ayant connu presque autant de gouvernements et de juntes militaires que d’années d’indépendance, la Bolivie constituait jusqu’au début des années 2000, l’un des pays politiquement les plus stables d’Amérique latine… Comme beaucoup de boliviens, la mère de Marcos n’aime pas l’actuel président Gonzalo Sanchez, qu’elle surnomme « Gonie », à cause de ses promesses non tenues et de son accent de « gringos » à couper au couteau.
Aujourd’hui, en 2003, le peuple gronde et la Bolivie est à la croisée des chemins. Les journaux relatent en boucle la grogne des Boliviens, et les manifestations de masse qui se multiplient partout dans le pays sur fond de chants révolutionnaires : « el pueblo, unido, jamas sera vencido ! ».
Une guerre du Gaz, des émeutes sanglantes, et « Gonnie » chassé du pouvoir…
« Deux ans que nous attendons le camion du gaz qu’on nous a promis » s’exclame la vieille femme en remuant les braises de son vieux poêle. Les plus grandes réserves de gaz d’Amérique latine ont été découvertes en 2000 à Tarija, dans le sud-est bolivien, à seulement 200 kilomètres de San Pedro... En déclarant la guerre à la production de la coca avec l’aide des Etats-Unis, Gonzalo Sanchez avait déjà ligué contre lui la majorité des paysans boliviens. En décidant d’exporter le gaz bolivien vers les Etats-Unis avant même d’en donner l’accès à ses propres compatriotes, « Gonie » s’est attiré les foudres de tout un pays en crise, suite à des années de gestion désastreuse. La « Guerre civile du Gaz » atteindra son paroxysme lorsque les boliviens apprendront que ce gaz sera exporté via le Chili, l’ennemi de toujours. La perte du désert d’Atacama, riche en cuivre, et de l’unique accès à la mer du pays pendant la Guerre du Pacifique, il y a un siècle au profit du Chili, est une plaie restée béante dans le sentiment national bolivien. C’est la population toute entière qui descendra dans la rue pour chasser ce président qui décidément, ne connaît rien à l’âme de son pays. « Exporter notre gaz par le Chili est une erreur et une véritable atteinte à la sécurité nationale » diront les militaires, dont la devise en hissant les couleurs est la même que celle de tous les écoliers du pays avant d’entrer en classe : « La mer nous appartient et la récupérer est notre devoir !!! ».
Contraint à fuir le pays face à un mouvement de contestation populaire qu’il réprimera dans le sang, « Gonie » retournera d’où il est venu, aux Etats-Unis, et cèdera la présidence de la Bolivie le 17 octobre 2003 à son vice-président Carlos Mesa. Le nouveau président salué par la communauté internationale, mettra en place un gouvernement transitoire formé de personnalités choisies hors des partis politiques. Avec la volonté affichée de mettre fin aux systèmes politiques corrompus au pouvoir ces dernières décennies. Il recevra un accueil chaleureux de la population bolivienne à qui il promettra ni oubli ni vengeance, seulement la justice et l’engagement de poursuivre les responsables des exactions qui auront fait plusieurs dizaines de tués en 5 semaines de répression sanglante et aveugle… En définitive, l'arrivée au pouvoir du vice-président Carlos Mesa ne stabilisera pas une situation sociale explosive. Le 6 juin 2005, suite à de nombreuses manifestations, Carlos Mesa démissionnera. Et les élections présidentielles suivantes, toujours en 2005, seront remportées par Evo Morales, le premier président bolivien d'origine amérindienne depuis le 19ème Siècle, dont l’action phare, au grand damne des occidentaux, consistera à nationaliser les ressources énergétiques du pays. Evo Morales restera président de la Bolive jusqu'en Novembre 2019...
Toucher un fœtus de Lamas pour nous assurer bonheur et fécondité…
Jetant le journal au feu comme pour fuir la violence d’un monde qu’elle ne comprend plus, la vieille paysanne se tourne vers Isabelle. Elle est heureuse que nous soyons mariés mais elle s’interroge. Comment se fait-il que nous nous soyons mariés si tard, à un âge où elle était déjà grand-mère ? Qu’importe ! La mère de Marcos nous fait toucher un fœtus de lama, symbole de fécondité, pour nous aider à avoir un enfant le plus vite possible. Nous lui écrirons plus tard de France pour la remercier de cette précieuse attention, et lui annoncer l’arrivée prochaine d’une petite Romane... Les campesinos de la région, qui consacrent toute leur vie à leur travail, à leur famille et à leur religion, ne comprennent pas ces gringos qui voyagent loin de chez eux avec un sac à dos et un appareil photo. Compte tenu des conditions précaires dans lesquelles elle vit, nous n’osons pas dire à la vieille femme que nous sommes là pour notre voyage de noce. Isa lui explique que nous avons travaillé dur, économisé longuement, et fait des sacrifices pour nous payer ce voyage, qui doit nous permettre d’écrire un reportage sur le Salar, et montrer les splendeurs de cette région reculée aux personnes qui ne peuvent pas voyager. La vieille femme satisfaite sourit, et nous souhaite une bonne nuit…
Scénettes de la vie quotidienne, de Santa Cruz à La PAZ, en passant par Sucre...
Isa tire les rideaux élimés de la fenêtre de notre chambre. Dehors, la nuit enveloppe doucement les montagnes du Sud Lipez. Nous laissons les bougies allumées pour gagner de précieux degrés, et nous remémorons en images avec Isa le périple vécu pour arriver jusqu’ici :
Des routes sans infrastructures parmi les plus dangereuses du monde !
Aller dans le Sud Lipez par les transports locaux ? Il faut prévoir large, et avoir un cœur bien accroché ! Avec un bus ou un camion qui bascule tous les 15 jours dans le ravin vertigineux qui la borde, la piste rocailleuse qui serpente à travers les montagnes entre La Paz et Caroico, a décroché le titre tristement célèbre de « route la plus dangereuse du monde »… Le seul vrai danger en Bolivie consiste à prendre les transports locaux. Tant à cause d’une infrastructure quasi inexistante, que de l’état et de l’entretien des bus eux-mêmes ! Entre Santa Cruz, la 2ème ville du pays, et Sucre, la Capitale administrative, il n’y a pas de route goudronnée. Seulement 400 km de piste rocailleuse de montagne, que notre bus mettra plus de 12 heures à parcourir ! Puis il y a les grèves qui peuvent survenir à tout instant. Christophe, le français d’Uyuni, nous racontait comment un simple village a récemment paralysé tout le pays pour une histoire de mœurs entre le maire et une élue, en bloquant l’accès à La Paz avec seulement deux camions posés en travers de la voie ferrée et de la principale route de Bolivie…
Et des transports locaux dits « secondaires », dont il ne faut surtout pas abuser !
Et il y a enfin les bus eux-mêmes, souvent laissés à l’abandon faute de moyens, qui s’apparentent à de véritables cercueils roulants pour les moins entretenus. S’il n’y a rien à craindre avec les grandes compagnies qui desservent les principales villes de Bolivie, le récit de notre retour épique d’Uyuni à Potosi donne une image assez fidèle de l’état des transports locaux dit « secondaires » :
Il est 19h00. Départ de nuit d’Uyuni vers Potosi. Notre bus est archi bondé d’indiens venus des alentours faire leur marché. Des boliviens sont debout dans l’allée, d’autres empilés les uns sur les autres sur les banquettes. Un policier coutumier du fait, fait sortir les boliviens debout dans l’allée n’ayant pas de place assise. Mais les mêmes Boliviens remonteront comme par enchantement dans le bus, cinq minutes plus tard à la sortie de la ville… Premières ascensions à flancs de montagne et premiers soucis mécaniques. Nos deux jeunes chauffeurs en surcharge, passent difficilement les vitesses dans des craquements de pignons effroyables. Un premier arrêt en pleine nuit au milieu de nulle part, pour bricoler la commande boîte de vitesse avec du fil du fer, et l’appréhension d’entendre les deux adolescents saoulés à la coca, me dire que nous allons repartir « Ahorita » (dans un instant). Répondre « Manana (demain) » en Bolivie à un problème posé, c’est une façon polie de dire à la personne de repartir avec son problème. « Ahorita » dans la bouche de nos jeunes chauffeurs est plus subtil. C’est sûr, nous allons repartir, mais « dans un instant » qui pourra être une minute, une heure, une journée ou une semaine... Le « Ahorita » qui nous intéresse durera lui deux bonnes heures !...
Il y a ensuite la course poursuite à flanc de montagne le long de ravins vertigineux. Nos deux jeunes chauffeurs se sont mis en tête de rattraper coûte que coûte le bus qui nous a dépassé pendant leurs deux heures de bricolage, embarquant au passage quelque uns de leurs clients. Une cavalcade qui pousse le bus et les passagers secoués comme des pruniers, au bout de leurs derniers retranchements. Et qui sera interrompue par les cris des boliviens à l’arrière, alertant les chauffeurs que des bagages sont tombés du toit... Une demi-heure pour retrouver les baluchons à la lampe torche en bas du ravin dans une nuit d’encre, puis tout le monde dehors pour pousser le bus qui au passage aura perdu son démarreur !!!
Et le réveil cauchemardesque en pleine nuit par – 20 °C dehors, et à peine mieux dans le bus qui recule contact coupé dans la pente le long d’un ravin vertigineux. Isabelle et moi blottis l’un contre l’autre, emmitouflés dans un duvet qu’elle aura eu la présence d’esprit de garder avec nous. Une descente de trente mètres. Le chauffeur qui profite de l’élan pour enclencher la marche arrière et redémarrer le moteur. Un coup de première et une avancée de vingt petits mètres avant que le moteur ne broute et cale à nouveau. Un manège qui se répète une dizaine de fois, nous faisant plus descendre que monter, et qui finira par inquiéter les boliviens du bus eux-mêmes, normalement imperturbables dans ces situations. La touriste américaine qui demande en anglais si quelqu’un se préoccupe du fait que nous reculons, et qui se met à crier de panique lorsque nous nous mettrons à pencher dangereusement, une roue dans le vide. La vision surréaliste du bus, une fois que je nous en aurai fait descendre, qui s’éloigne le long du ravin en marche arrière au plus profond de la nuit polaire… Il fait trop froid, et le gasoil gèle dans le réservoir. Je l’explique à nos jeunes chauffeurs pour l’avoir vécu à l’armée, et nous repartons pendant une vingtaine de kilomètre jusqu’à la panne sèche, après avoir réchauffé le peu de gasoil qu’il nous reste, en chauffant le réservoir au chalumeau !… Nous arriverons tout de même à Potosi avec huit heures de retard et une nuit blanche dans les pattes, grâce au secours d’un paysan des montagnes qui nous dépannera de quelques litres de gasoil…
S’allier Pachamama et les esprits des anciens avant de pénétrer dans le Sud Lipez…
Nous sommes réveillés à l’aube par le bruit métallique de la cafetière bouillonnante posée sur le poêle. Dehors, Marcos vérifie une ultime fois les niveaux du 4x4 et notre cargaison de vivres. Le monde des indiens est peuplé d’une multitude d’esprits dont ceux particulièrement respectés des anciens. Ces esprits, tantôt bien ou mal intentionnés, sont particulièrement actifs dans les contrées sauvages du Sud Lipez.
Marcos pose quelques feuilles de coca sous un caillou, et jette un verre d’alcool contre la voiture pour les mettre de notre côté. La Bolivie est attachée à ses traditions millénaires. Comme pour toutes les maisons de San Pedro, la mère de Marcos a enterré un fœtus de lama sous la première pierre de sa demeure, et mis une croix en bois sur le toit pour la protéger. Mais de toutes les coutumes, la plus fortement ancrée dans l’esprit des boliviens concerne Pachamama, la Terre-Mère, qu’ils considèrent comme un être vivant. Pachamama est la fécondité et la source de tous les biens matériels de la vie terrestre. Avant notre départ, Marcos ne manque pas de verser un peu d’alcool par terre en offrande à « Pachamama », pour assurer la Déesse de toute notre gratitude et lui démontrer sa totale prééminence sur nous…
Uyuni, caricature de village du Far West, au départ du périple dans le Sud Lipez…
Marcos pilote son 4x4 comme un as sur les chemins de caillasses et de terre, dans une succession de paysages lunaires. La région montagneuse et isolée du Sud Lipez, aux transports approximatifs, sur un réseau routier inexistant, dans des conditions climatiques rudes et imprévisibles, ne se prête pas à un tourisme classique. Elle demande expérience, sang-froid et endurance. A moins d’avoir son propre 4x4, cinq jerricans d’essence, une semaine de vivres, un GPS, et une bonne étoile à toute épreuve pour ne pas passer une nuit à -25°C perdu ou accidenté au milieu de nulle part, le mieux est de passer par les nombreuses agences qui se concurrencent dans les rues d’Uyuni. Uyuni est un village du Far West au milieu du désert, balayé par des vents glaciaux semblant venir de l’Arctique. C’est un de ces lieux du bout du monde, qui vous donne l’impression d’être arrivé à l’endroit le plus éloigné de tout. Le dernier village avant le bord de la terre, aux portes de l’inconnu. C’est là que nous avons déniché Marcos et son agence, sur les conseils de Christophe, un jeune français. C’est Christophe qui nous a mis en garde sur les agences de valeur inégales d’Uyuni. « Avec l’afflux grandissant des touristes, le nombre d’agences de voyages proposant des tours dans le Sud Lipez a explosé. Le problème, c’est qu’elles se font la concurrence en tirant les prix au détriment de la sécurité des touristes. Elles font des économies sur tout, sur la nourriture, et plus grave, sur l’entretien des 4x4… ».
Christophe et son bar « La Loco », en hommage au cimetière de trains de la ville…
Christophe fait partie de ces pionniers capable de tout lâcher pour monter un business au bout du monde et au milieu de nulle part, en ayant le sentiment d’être « au bon endroit au bon moment ». Nous l’avons rencontré sur la place principale d’Uyuni, tandis qu’il distribuait des prospectus pour promouvoir son bar « la Loco ». Christophe a calqué le décor de son établissement, sur un cimetière de locomotives qui constitue la seule attraction touristique d’Uyuni.
Il faut suivre les rails de chemin de fer pendant deux kilomètres dans le désert à la sortie de la ville, pour tomber sur la vision décalée d’une centaine de locomotives à vapeur rouillées, dont les plus vieilles datent des balbutiements du chemin de fer il y a plus de 150 ans.
Christophe est arrivé ici par un concours de circonstance. Venu faire sa thèse de doctorat sur la fête du Gran Poder à La Paz, sur les conseils de son professeur d’ethnologie, il se marie avec une bolivienne, et rencontre des français ayant des parts dans deux bars à La Paz et à Uyuni. Ni une ni deux il largue tout, et s’en va avec sa femme à Uyuni, racheter le reste des parts boliviennes du bar qu’il rebaptisera « La Loco »…
Et depuis, luttant contre des soirées d’hiver trop longues et les pressions locales de la concurrence, il tient bon ! Christophe fait chaque soir le tour de son établissement pour en inspecter chaque recoin avant de fermer, et pour cause ! Il raconte « qu’il n’y a rien de plus facile en Bolivie pour fermer le bar d’un gringos, que de cacher un sac de cocaïne dans les toilettes, et de le dénoncer à la police pour trafic de drogue !»
Les pionniers d’Uyuni, aux rêves de fortune et de développement touristique…
Après avoir ouvert le Mongo’s à La Paz, et « la Loco » à Uyuni, Christophe et ses copains « co-actionnaires » viennent d’ouvrir un « Mongo’s » à San Christobal dans le Sud Lipez. Ils croient fermement au développement du tourisme dans la région et pour cause ! 70 000 touristes sont passés par Uyuni l’année dernière. D’après Christophe, « C’est 10 fois plus qu’il y a cinq ans, et 5 fois moins que le jour où les routes pour accéder à cet endroit magique du bout du monde seront enfin bitumées ! ». Des rêves de fortune que partage John, l’américain qui tient la pizzeria d’un Hôtel près de la garnison d’Uyuni. John est de Boston où il travaillait comme pizzaïolo. C’est là qu’il a rencontré sa femme bolivienne, venue aux Etats-Unis pour faire ses études à l’université. La famille de la jeune femme, l’une des plus riche d’Uyuni, possède deux hôtels, une épicerie, et bien sûr, une agence de voyage proposant des raids dans le Sud-Lipez. « La région est merveilleuse et le coin va se développer » dit-il, « et au milieu de nulle part, il suffit de faire quelque chose de différent pour que cela marche ! »…
Un camp militaire sorti d’une BD, un col à 5200m, et un volcan en activité…
Notre 4x4 avale les kilomètres aux creux des vallées martiennes du Salar de Chigana, sous un reste de pleine Lune du matin. Nous croisons quelques camions roulant toujours par deux pour se secourir en cas de problème, et des voitures avec le volant à droite sans plaque d'immatriculation. Marcos explique que ces voitures d’occasions provenant d'anciennes colonies anglaises, remontent en contrebande du Chili. Nous avons souvent pris à Potosí, des taxis étranges au volant bricolé à gauche avec le tableau de bord à droite !
Marcos arrête le 4x4 au check point d’une caserne sortie à mi-chemin des albums de Tintin et du village des Stroumphs.
Une ligne de chemin de fer traverse l’endroit et disparaît au loin dans un paysage lunaire. Je ne peux m’empêcher de braver l’interdiction de photographier ce check point insolite. Mais un soldat mal luné sort en trombe d’une des maisons en forme de champignons, pour me confisquer mon appareil et mon passeport…
Nous les récupèrerons quelques minutes plus tard contre un magnifique sourire d’Isabelle, et plus cher payé, l’obligation de détruire ma pellicule photo et les clichés durement obtenus lors de notre soirée chez la mère de Marcos… Mais qu’à cela ne tienne, tout est oublié lorsqu’au détour d’une nouvelle piste rocailleuse apparaît le Volcan Ollague et ses fumerolles.
En descendant de voiture, Isa et moi avons la surprise d’avoir les jambes et le souffle coupés. A la fois par le paysage grandiose et unique de la montagne vivante qui s’offre à nous, et surtout par les 5200 mètres d’altitude du col en haut duquel nous nous sommes garés pour l’admirer !
Le Sorroche, mal de l’Altitude pouvant provoquer un œdème pulmonaire mortel…
Lors de notre périple dans l’Altiplano Bolivien, nous n’avons réellement souffert qu’une seule fois du « Sorroche », nom local donné au mal de l’altitude. C’était quelques jours plus tôt, à notre arrivée à Potosi. Du haut de ses 4500 mètres d’altitude, Potosi reste la ville d’importance la plus élevée du monde, plus haute que Lhassa au Tibet. Bien heureusement, notre mal de l’altitude à Potosi s’est résumé à une grosse insomnie, couplée à un fort mal de crâne et quelques nausées.
Les tenanciers de l’hôtel de Potosi nous en ont débarrassés avec un bon bol de « Maté », un remède de grand-mère indienne à base de feuilles de coca. Mais le Sorroche provoqué par une élévation trop rapide de l’altitude, auquel l’organisme n’a pas eu le temps de s’adapter, peut avoir des conséquences plus graves selon les individus. Il peut provoquer une forme de délire intense. Nous avons assisté une touriste sur les hauts plateaux à 5 400 m d’altitude, dans un 4x4 arrêté sur le bord de la route, qui délirait qu’elle était en train de mourir. Un délire qu’il faut prendre très au sérieux car il peut se transformer en un œdème pulmonaire aigu, pouvant être mortel...
Le « Maté » ne courant pas les rues dans le Sud Lipez, nous avons pris la précaution de faire le tour des pharmacies d’Uyuni avant notre départ, pour acheter des « Sorroch-pills », un savant mélange d’aspirine, de caféine et de Coca…
Lagunes volcaniques multicolores, troupeaux de lamas et envolées de Flamands Roses…
C’est un nouvel émerveillement à la découverte, plus au Sud, des premières lagunes volcaniques multicolores, peuplées de flamants roses qui picorent l’eau par centaines sous le regard nonchalant des lamas et alpaguas.
Il y a 360 lagunes dans le Sud-Lipez, qui doivent toutes leur coloration unique, rouge, verte, bleue émeraude ou améthyste, à la présence dans l’eau de minéraux divers, et de phytoplanctons qui réagissent à la lumière du soleil. Le bicarbonate de soude remontant des sols volcaniques dans les eaux chaudes et peu profondes des lagunes, favorisent le développement de l’algue spiruline, qui constitue l’aliment de base des flamants roses.
Nous contemplons les flamants avancer en ligne, dans le sens du vent, pour se préserver du froid glacial et mortel. Les échassiers qui promènent tranquillement leur bec dans l'eau pour filtrer les algues, semblent moins gênés que nous par le froid. Mais Marcos nous dit tout de même qu’il est fréquent de retrouver des étendues de flamants roses morts de faim et de froid à la fin d’hivers trop rudes.
Emmitouflés dans leur épaisse toison de laine, les lamas et les alpagas qui déambulent le long des lagunes en nous dévisageant, se rient eux littéralement du froid.
Les peuples des Andes ont tiré pendant des millénaires leur entière subsistance, vêtements et nourriture, des guanacos et des vigognes, ancêtres des lamas et alpagas d’aujourd’hui. La laine dorée et particulièrement fine des vigognes, aujourd’hui en voie de disparition, était la propriété exclusive des empereurs incas. Nous n’en apercevrons au loin que deux petits groupes d’une dizaine d’individus lors de notre périple…
Un arbre de pierre et une vallée de roches aux formes insolites et animales…
La route à travers le désert de Siloli, qui mène à la laguna « Colorada », longe une chaîne montagneuse multicolore. Couvertes au sommet de leurs neiges éternelles, les montagnes s’enfuient ensuite dans un dégradé de vert, de jaune et de rouille, signalant la présence de mousse végétale, de souffre et de fer…
Marcos nous arrête près d’un amas de roches érodées par les vents de sables. Le lieu est sans aucune mesure avec la « Vallée de las Rocas » plus à l’est, un champ infini de roches tortueuses et affûtées, auxquelles le hasard d’une érosion millénaire a fait prendre tantôt la silhouette d’un lion, d’un faucon ou d’une tête de gorille…
Mais l’amas auquel Marcos nous a arrêtés recèle un autre particularité géologique : « l’Arbol de Piedra », une masse rocheuse sur un pied fragile se dressant un peu à l’écart, comme montant la garde, et qui a pris au fil des siècles d’érosion, la forme d'un arbre…
Une nuit par -25°C au bord des eaux "rouges-rosées" de la Laguna Colorada...
Le 4x4 pénètre dans la Reserva de Fauna Andina « Eduardo Avaroa ». Nous nous affranchissons d’un droit d’entrée de quelques « bolos » dans une guérite, et arrivons en fin d’après-midi sur les bords de la Laguna Colorada. Nous posons notre barda dans les baraquements d’une station électrique où nous passerons la nuit, et partons faire le tour de la lagune.
Malgré ses 80 km², le lac aux teintes rouges rosées qui s’étend devant nos yeux ébahis ne dépasse pas un mètre de profondeur. Il est bordé tout autour par une banquise blanche et pâteuse, dans laquelle nous nous embourbons régulièrement. Cette banquise est un mélange de sodium, de magnésium, de gypse et de Borax, un ciment pâteux et toxique employé pour la céramique…
La Laguna Colorada siège à plus de 4300 m d'altitude. Et la température chute rapidement en dessous de 0°C lorsque le soleil se met à décliner derrière les montagnes. Nous retournons dare-dare au campement, et retrouvons Marcos faisant le guet transi de froid l’entrée des baraquements, inquiet de ne pas nous avoir vu rentrer avant la nuit.
Nous devons nous lever très tôt demain, et Marcos nous emmène aussitôt manger. Isa et moi sourions face à l’image un peu décalée du plat de spaghettis que nous partageons dans une salle toute en longueur, avec une trentaine de jeunes touristes européens et américains, emmitouflés dans des parkas multicolores et tous coiffés de bonnets péruviens…
«Filet d’acier et épingles à nourrice» contre «attaques de sac à dos au cutter»…
De toutes les nuits que nous passerons dans le Sud Lipez, la plus froide et la moins intime sera celle de la laguna Colorada ! Une nuit de noce que nous partagerons avec la trentaine de jeunes touristes dans la seule chambre de l’endroit. Une pièce spartiate, constituée d’un amas de lits métalliques superposés, disposés en cercle autour d’un petit poêle faisant office de chauffage central… Beaucoup de ces jeunes ont des sacs à dos entourés de filets d’aciers.
A peine débarqués du minibus à Potosi, quelques jours plus tôt, un jeune indien peu discret s’était immédiatement collé à Isa et moi, la main serrée dans sa poche. Il y tenait un cutter. Non pas pour nous agresser, mais pour découper nos sacs à dos et y dérober ce qu’il en serait tombé. Il me suffît de demander au jeune garçon de montrer ce qu’il avait dans la main, pour le voir détaler vers un autre larcin. Cette méthode de fauche, finalement très peu répandue ici, vient du Pérou. Les touristes qui connaissent cette pratique, sont reconnaissables aux bâches en plastique, ou aux filets d’aciers qui entourent leurs sacs. A l’inverse, les touristes venant du Pérou et qui ont été victimes de ces vols, se reconnaissent à la multitude d’épingles à nourrice et de coutures de fortunes que portent leurs sacs à dos…
La Bolivie fait partie des pays les plus pauvres d’Amérique Latine. Et ses rues sont envahies d’enfants abandonnés, principalement des garçons, qui travaillent dès l’âge de 5 ans 12h par jour pour nourrir leur famille. Les filles sont plus souvent employées à la maison, pour aider aux tâches ménagères, ou pour s’occuper de leurs frères et sœurs plus petits. Dans le meilleur des cas, les garçons deviennent cireurs de chaussures, ou aboyeur de destination dans les minibus, et gagnent bien souvent plus que leurs 2 parents réunis. Dans le pire, ils intègrent des réseaux de crime organisé comme le jeune garçon au cutter…
Il est difficile dans les microbus de Potosi, de rester insensible devant ces enfants de 5 ans à peine, qui hurlent les destinations, accrochés à la porte dans le vide pour attirer les usagers. Au bout de 3 stations, les enfants sont remplacés par d’autres tout aussi jeunes, et descendent après que les chauffeurs solidaires, leurs ai donné la pièce…
Dans les rues froides de La Paz, la veille au soir de notre retour en France, nous donnerons toute la monnaie que nous avons en poche à un petit cireur de chaussure pleurant toutes les larmes de son corps. Le jeune garçon ne voulait pas rentrer chez lui, parce qu’il s’était fait dépouiller de son salaire du jour par une bande organisée…
Atterrissage sur Vénus entre fumées et cratères bouillonnants de boue sulfureuse…
Marcos nous « secoue » à 4h30 du matin. Nous le retrouvons dehors par - 25°C, emmitouflé dans une énorme combinaison lui conférant des allures de bonhomme Michelin. Isa tente de se réchauffer à l’avant du 4x4 tandis que j’aide Marcos les mains gelées à charger les affaires sur le toit…
Nous arrivons deux heures plus tard à 5000 mètres d’altitude sur le site surnaturel des geysers "Sol de Mañaña". Le soleil se lève doucement sur un paysage volcanique et lunaire, d’où s’échappent à perte de vue des fumées épaisses, au-dessus de cratères bouillonnants de boue sulfureuse et grisâtre… Marcos gare le 4x4 sur la terre « ferme », devant un geyser artificiel d'où s’échappent avec force des vapeurs de cuivre et de nitrate dans un bruit assourdissant. N’arrivant pas à manipuler nos appareils photos par –20°C, nous nous réchauffons prudemment les mains aux abords du geyser artificiel, avant de nous hasarder au milieu des cratères bouillonnants. Le monde dans lequel nous évoluons à beau être minéral, il est en vie ! On se croirait débarqués sur la planète Vénus ! Je rattrape prudemment Isabelle dont je distingue à peine la silhouette dans les fumées sulfureuses...
Isa me met en garde aux abords meubles d’un nouveau cratère. La terre qui se dérobe sous nos pieds, peut entraîner une chute mortelle dans ce qui paraît être un simple bain de boue tiède, bouillant tout de même à plus de 200°C ! Isabelle me montre la gerbe de boue qui a atterrit sur son pied, et l’a brûlé au travers de sa chaussure...
Des thermes fumants à ciel ouvert et un désert sorti des rêves cosmiques de Dali…
Nous déjeunons dans le Salar Chalvari près des « Thermas del Polque », une nouvelle lagune connue pour ses bassins fumants d’eau douce.
Au-delà des vertus curatives pour la peau de ces eaux à 37°C légèrement sulfureuses, il n’y a pas de mots pour décrire la sensation de plénitude ressentie, lorsque l’on se glisse dans ces eaux chaudes, au milieu d’un désert aride et froid…
La piste au sud qui traverse le Salar Chalviri, entre la laguna Colorada et la laguna Verde, traverse un dédale de chaînes montagneuses arides, dans une symphonie de teintes caramels et chocolatées.
La route rocailleuse longe , à mi-chemin l’un des plus beau désert du monde, comme sorti des rêves cosmiques de Salvador Dali. Un jardin japonais sert d’avant plan à une longue dune de sable fin, parsemée d’élégantes roches cylindriques de plusieurs tonnes.
Ce lieu a-t-il réellement inspiré le peintre comme l’affirme la légende ? Ou est-ce le hasard qui est à la source de sa ressemblance avec certains de ses tableaux ? Malgré les affirmations convaincues de Marcos, nous pencherons tout de même pour la version troublante du hasard…
Une Lagune verte émeraude au pied d’un volcan à 6000m sur la frontière chilienne…
Nous arrivons aux termes de notre voyage de noce sur le site préféré des photographes du National Géographic et des scientifiques de la Nasa, qui en collectionnent les clichés pris de la Navette Spatiale.
La laguna Verde, à 4500 m d’altitude, doit sa couleur vert émeraude unique, à un mélange de magnésium, de sodium, de calcium, de plomb et d'arsenic. La lagune reflète l’image du volcan Licancabur, qui siège du haut de ses 5900m sur la frontière avec le Chili.
De l’autre côté de la montagne, du haut de laquelle étaient jetés de jeunes incas en sacrifice pour attirer la bienveillance des dieux, commence le désert aride de l’Atacama…
Échoppe sur les bords de la Laguna Verde, pour faire le plein d'eau douce et de victuailles avant de passer la frontière Chilienne dans le Sud Lipez en Bolivie...
Une petite pierre pour remercier l’Achachilla, Dieu de la montagne, de sa clémence tout au long d’un périple sans pareil, dans l’univers minéral et vivant du Sud Lipez…
Un petit tas de pierres devant la Laguna Verde, nous rappelle que la religion animiste ancestrale des Andes, continue de régir ici la vie de tous les jours. Le même petit tas de pierres que bénissent les lamas, au Tibet, en haut des cols de montagnes pour honorer les esprits des anciens. Le même petit tas de pierres, que ceux qui parsèment les terres de Mongolie extérieure, du fait des chamans qui un jour, ont passé le Détroit de Bering avec leurs tribus, pour venir peupler l’Amérique Latine. Un petit tas de pierre qui rappelle que l’on fait plus ici appel au « curandero », le guérisseur, qu’au médecin. Et qu’un peu d’herbe et quelques incantations, ont plus d’effet qu’un stéthoscope et des antibiotiques… Un petit tas de pierre au-dessus duquel il faut, lorsque l’on arrive jusqu’ici sans encombre, poser sa propre pierre en signe de respect envers l’Achachila, le dieu millénaire de la montagne. C’est Isabelle qui posera délicatement notre petite pierre blanche sur le monticule séculaire, pour remercier l’Achachila de sa clémence, et pour le spectacle minéral et les visions extraordinaires qu’il nous aura procurés pendant ces quelques jours de traversée du Sud Lipez.
Bolivia - South Lipez : Honeymoon in the Bolivian Altiplano
The Salar of Uyuni, a Salt Desert the size of two French departments...
I had surrounded the destination of our honeymoon with a veil of mystery and adventure. “We will be alone in the world. » I whispered in Isabelle's ear in front of the altar. I didn't think I could say that well given the overwhelming feeling of solitude that we feel in face of the immensity shining like snow, which extends infinitely in front of us.
A wedding night at an altitude of 3700m, in a salt hotel…
We will spend our wedding night in the “Salt Hotel”, a building whose walls, framework and interior design are entirely constructed of salt bricks. Only the roof, doors and windows are made of thatch or wood. I can't help but stick my tongue against a wall, and make Isabelle laugh at seeing me confirm to her with a grimace that "our honeymoon igloo" is indeed all salt!
Night falls slowly on the Salar of Uyuni. Isa and I remain in ecstasy on the doorstep of the hotel contemplating this end of the day changing the color of the Salar. With the setting sun, the Salar changes from sparkling white to ocher and then beige tones. We are almost surprised to be able to sit on the salt ice to enjoy the spectacle without freezing our butts. But the 3700 m altitude of the salt hotel quickly brings us back to reality. The temperature quickly drops below freezing. And it will drop to -25°C in the depths of the night. A wedding night which will be as white as the Salar, bewitched by the magnificence of the place, and above all by a majestic full moon illuminating the surface of the Salar as in broad daylight...
The largest salt reserve in the world, exploited by ghost workers…
The Salar of Uyuni has the distinction of being the largest flat surface in the world and constituting the largest salt reserve on the planet. 10,000 km² of salt with a depth ranging from a few centimeters to around thirty meters in places.
An immeasurable quantity of salt, exploited artisanally by the campesinos of the small village of Colchani. Like ghosts behind woolen hoods and glacier glasses to protect themselves from the reverberation and the salt that eat away at their skin, the Colchani workers scrape the surface of the Salar with shovels and pickaxes for €3 per day.
The day ends when the campesinos sign the salt cones they have formed with their initials. Cones which will be transported the next day by truck to the village, where other campesinos will work on refining salt on homes fueled day and night in makeshift factories.
The Salar of Uyuni, an ancient sea that extended to Lake Titicaca…
The formation of the Salar of Uyuni remains mysterious. The owner of the “Hotel de Sel” is happy to be able to converse with strangers. He says that the Salar is an ancient sea that extended to Lake Titicaca, hundreds of kilometers to the north. The old man, with a face marked by the harsh climate, the salt and the reflection of the sun, invites us to return to the rainy season. “At this time of year,” he marvels, “the Salar is drowned under a thin layer of water. It transforms into an infinite mirror that reflects the sky so well that the horizon disappears. The hotel seems to float in the middle of the clouds, and while walking around, you have the impression of being suspended in the air...".
Faced with the enthusiasm with which he describes “his Salar” to us, we do not dare tell the old man that his peaceful life may soon be turned upside down. The Salar of Uyuni, although a protected site, is home to half of the planet's reserves of lithium, a coveted silvery alkaline metal, which has the distinction of being the lightest of solids...
“La Isla de los Pescadores”: A rocky island on an ocean of cracked salt, colonized by giant cacti…
Marcos, our driver, arrives at dawn to take us to discover another unusual feature of the Salar. We travel about thirty kilometers in sparkling white, until a floating point appears on the ocean of cracked salt. We land on “Isla de los Pescadores”, a ghostly island on which hundreds of thousand-year-old cacti grow in the shape of candlesticks, some of which reach more than ten meters high.
We immediately climb the island between the giant cacti, while Marcos carefully chooses needles from a giant cactus, which he will give this evening to his mother to knit with.
We stop mid-summit in front of the magical spectacle of “viscachas”, large rabbits with kangaroo paws, which move away from rock to rock in a few prodigious steps…
A journey back 200 years, for a night at Marcos’ mother’s house…
Marcos' mother, an old Indian woman from the village of San Pedro, has neither electricity nor running water. There are no shops around the house. Just an old railway line to connect the village to the rest of the world. There is apparently one train per day at San Pedro station. This is where the children go to fill up at a water pump, in a constant sweep of wheelbarrows filled with plastic cans. The few homes in the Village of San Pedro, most of them abandoned, are home to a few Indians making a poor living from llama breeding and agriculture.
On paper, Bolivia is the 2nd poorest country in Latin America after Guyana. But the situation is not as critical as it seems. Because many rural Bolivians live outside the “system”, in complete self-sufficiency. Descendants of nomadic hunters who arrived from Siberia 30,000 years ago via the Bering Strait, the Indians of the Altiplano remain like the region, austere, rough and solid. Viscerally attached to their land, they never complain about their fate, and paradoxically believe that their life is good and “Tranquillo” (“Quiet”).
Faithful to tradition, Marcos’ mother spins Lamas’ wool without stopping….
Marcos gives his mother the cactus needles he collected on the “Isla de Los Pescadores”. The old woman is moving in her dignity. She sports a pile of petticoats under a lace apron. Her white shirt is closed at the collar under a woolen vest. And her melon capon is parted in the middle and two long braids joined at the back by a tuft of black wool.
The “Chola” costume, a stereotypical outfit for Andean women that has become the emblem of the country, was imposed on them in the 18th century by the King of Spain to eradicate local folk costumes, and undermine the identity of the colonized Aymara and Quechua Indians.... Faithful to the tradition of this region of llama and alpaca breeding, where girls learn to spin or weave from a very young age, Marcos' mother devotes all her free time to the spindle and the loom. Sitting or standing with her stock of raw wool on her back, the old woman spins wool constantly, and only stops to warm up a pancake for us on an old stove.
Carlos, trucker and smuggler of Llaretta...
Carlos, Marcos' younger brother, is not very talkative. He regularly rekindles the embers of the old stove, chewing his coca leaves absently. If Cocaine is banned in Bolivia, Coca is revered in the country as a divine gift supposed to chase away evil spirits. “Chewed” daily by a majority of Bolivians, coca does not cause disproportionate effects. It gives the feeling of being detached, melancholy and pleasantly satisfied, making you forget hunger and altitude. It takes half a ton of coca leaves and a few hectoliters of kerosene, hydrochloric acid and other chemicals to make one kilo of cocaine. Despite hundreds of millions of dollars in American subsidies to finance the destruction of fields through the wild dropping of pesticides, or to encourage farmers to change crops, a quarter of the Bolivian population still lives more or less directly from this drug. As long as Cocaine is illegal and demand continues, it is unlikely that international dealers and traffickers will give up the profits it represents. Just as it will be difficult for Bolivian farmers to give up the cultivation of a shrub which easily gives 4 harvests per year, and whose production is sold more easily than any other.
Carlos is a truck driver, and a llareta smuggler in his spare time. The majority of the South Lipez region is covered by the “Eduardo Avaroa National Andean Wildlife Reserve”. This reserve was created in 1973 to protect a natural ecosystem as exceptional as it is fragile, made up of pink flamingos, Andean foxes, and endangered species such as the vicuña, the wild cousin of the llama, and the llareta, a plant root with strong aromatic odor. Carlos goes to get bunches of llareta from his truck to give to his mother and throws some into the stove as he goes. Llareta, appreciated for its medicinal properties, is mainly used in the region as firewood. The llareta burns very slowly and is all the more precious as there are no trees at the altitudes of South Lipez... Carlos warms his hands one last time over the fire before disappearing with his truck into an inky night . The full moon will soon rise, and he must hasten to discreetly bypass road checks and military checkpoints to reach Uyuni, where he will sell his illegal cargo of llareta...
A country in crisis and a little appreciated pro-gringo President, nicknamed “Gonnie”…
Marcos' mother does not have a radio, much less a television. But she remains well informed of what is happening in the country thanks to her son, who takes advantage of her visits to bring her the newspaper, and read to her the news by candlelight. Originally, Bolivia was a “republic modeled and backed” by the model of the United States. Although having experienced almost as many governments and military juntas as years of independence, Bolivia was, until the early 2000s, one of the most politically stable countries in Latin America... Like many Bolivians , Marcos' mother does not like the current president Gonzalo Sanchez, whom she nicknames "Gonie", because of his broken promises and his sharp "gringo" accent.
Today, in 2003, the people are roaring and Bolivia is at a crossroads. The newspapers repeatedly report the discontent of the Bolivians, and the mass demonstrations which are multiplying throughout the country against a backdrop of revolutionary chants: “el pueblo, unido, jamas sera vencido!” ".
A gas war, bloody riots, and “Gonnie” driven from power…
“We have been waiting for the gas truck that we were promised for two years,” exclaims the old woman, stirring the embers of her old stove. The largest gas reserves in Latin America were discovered in 2000 in Tarija, in southeastern Bolivia, just 200 kilometers from San Pedro... By declaring war on coca production with the help of United States, Gonzalo Sanchez had already united the majority of Bolivian peasants against him. By deciding to export Bolivian gas to the United States before even giving access to its own compatriots, “Gonie” attracted the wrath of an entire country in crisis, following years of disastrous management. The “Gas Civil War” will reach its climax when the Bolivians learn that this gas will be exported via Chile, the long-time enemy. The loss of the Atacama Desert, rich in copper, and the country's only access to the sea during the Pacific War, a century ago to Chile, is a gaping wound in Bolivian national sentiment. It is the entire population who will take to the streets to drive out this president who definitely knows nothing about the soul of his country. “Exporting our gas through Chile is an error and a real attack on national security” will say the military, whose motto when raising the colors is the same as that of all schoolchildren in the country before entering class: “The sea belongs to us and recovering it is our duty!!! ".
Forced to flee the country in the face of a popular protest movement that he repressed in blood, "Gonie" returned where he came from, to the United States, and ceded the presidency of Bolivia on October 17, 2003 to his vice-president Carlos Mesa. The new president, hailed by the international community, will set up a transitional government made up of personalities chosen from outside political parties. With the stated desire to put an end to the corrupt political systems in power in recent decades. He will receive a warm welcome from the Bolivian population to whom he will promise neither forgetting nor revenge, only justice and the commitment to pursue those responsible for the abuses which left several dozen killed in 5 weeks of bloody and indiscriminate repression... Ultimately, the coming to power of Vice President Carlos Mesa will not stabilize an explosive social situation. On June 6, 2005, following numerous demonstrations, Carlos Mesa resigned. And the following presidential elections, still in 2005, were won by Evo Morales, the first Bolivian president of Native American origin since the 19th Century, whose flagship action, to the chagrin of Westerners, consisted of nationalizing the country's energy resources. Evo MORALES will remain president of Bolivia until November 2019…
Touching a Llama fetus to ensure happiness and fertility…
Throwing the newspaper into the fire as if to escape the violence of a world that she no longer understands, the old peasant turns to Isabelle. She is happy that we are married but she has questions. How come we got married so late, at an age when she was already a grandmother? What does it matter! Marcos' mother makes us touch a llama fetus, a symbol of fertility, to help us have a child as quickly as possible. We will write to her later from France to thank her for this precious attention, and to announce the imminent arrival of our little Romane... The campesinos of the region, who devote their entire lives to their work, to their family and to their religion, do not understand these gringos who travel far from home with a backpack and a camera. Given the precarious conditions in which she lives, we do not dare to tell the old woman that we are there for our honeymoon. Isa explains to her that we worked hard, saved a lot, and made sacrifices to afford this trip, which should allow us to write a report on the Salar, and show the splendors of this remote region to people who cannot travel. The satisfied old woman smiles and wishes us a good night…
Scenes of daily life, from Santa Cruz to La PAZ, via Sucre...
Isa draws the threadbare curtains from our bedroom window. Outside, night gently envelops the mountains of South Lipez. We leave the candles lit to gain precious degrees, and we remember in images with Isa the long journey we experienced to get here.
Some of the most dangerous roads without infrastructure in the world!
Going to South Lipez by local transport? You have to plan widely, and have a strong heart! With a bus or truck tipping every 15 days into the dizzying ravine that borders it, the rocky track that winds through the mountains between La Paz and Caroico has earned the infamous title of “the most dangerous road in the world” …
The only real danger in Bolivia is taking local transport. Both because of an almost non-existent infrastructure, as well as the condition and maintenance of the buses themselves! Between Santa Cruz, the 2nd city in the country, and Sucre, the administrative capital, there is no paved road. Only 400 km of rocky mountain track, which our bus will take more than 12 hours to cover!
Then there are strikes which can occur at any time. Christophe, the Frenchman from Uyuni, told us how a simple village recently paralyzed the entire country over a moral affair between the mayor and an elected official, by blocking access to La Paz with only two trucks placed across the railway and the main road of Bolivia…
And so-called “secondary” local transport, which should definitely not be abused!
And finally there are the buses themselves, often left abandoned due to lack of resources, which are like real rolling coffins for the least maintained. If there is nothing to fear with the large companies which serve the main cities of Bolivia, the story of our epic return from Uyuni to Potosi gives a fairly faithful image of the state of so-called “secondary” local transport:
It's 7:00 p.m. Night departure from Uyuni to Potosi. Our bus is extremely crowded with Indians who have come from the surrounding areas to do their shopping. Bolivians are standing in the aisle, others stacked on top of each other on the benches. A regular police officer takes the Bolivians out standing in the aisle as they have no seats. But the same Bolivians will get back on the bus as if by magic, five minutes later on the outskirts of the city... First climbs on the mountainside and first mechanical problems. Our two young drivers, overloaded, have difficulty shifting gears amid frightening creaking gears. A first stop in the middle of the night in the middle of nowhere, to tinker with the gearbox control with wire, and the apprehension of hearing the two teenagers drunk on coke, tell me that we are going to leave "Ahorita" ( shortly). Responding “Manana (tomorrow)” in Bolivia to a problem is a polite way of telling the person to leave with their problem. “Ahorita” in the mouths of our young drivers is more subtle. It's certain, we're going to leave again, but "in a moment" which could be a minute, an hour, a day or a week... The "Ahorita" that interests us will last a good two hours!...
Then there is the chase down the mountainside along dizzying ravines. Our two young drivers set out to catch up at all costs with the bus which overtook us during their two hours of tinkering, picking up some of their customers in the process. A cavalcade which pushes the bus and the passengers, shaken like plum trees, to the end of their last entrenchments. And which will be interrupted by the cries of the Bolivians at the back, alerting the drivers that luggage has fallen from the roof... Half an hour to find the bundles by flashlight at the bottom of the ravine in an inky night, then everyone outside to push the bus which will have lost its starter!!!
And the nightmarish awakening in the middle of the night at -20°C outside, and barely better in the bus which is reversing with the ignition off on the slope along a dizzying ravine. Isabelle and I snuggled together, wrapped in a sleeping bag that she had the presence of mind to keep with us. A descent of thirty meters. The driver who takes advantage of the momentum to engage reverse gear and restart the engine. A first blow and an advance of twenty short meters before the engine shudders and stalls again. A ride that repeats itself a dozen times, making us go down more than up, and which will end up worrying the Bolivians on the bus themselves, normally imperturbable in these situations. The American tourist who asks in English if anyone cares that we're going backwards, and who starts screaming in panic when we start to tip dangerously, one wheel in the air. The surreal vision of the bus, once I have let us off, moving backwards along the ravine into the depths of the polar night... It is too cold, and the diesel is freezing in the tank. I explain it to our young drivers, having experienced it in the army, and we set off again for around twenty kilometers until we run out of fuel, after having reheated the little diesel we had left, by heating the tank with a blowtorch!… We will still arrive in Potosi eight hours late and a sleepless night in our hands, thanks to the help of a mountain farmer who will help us out with a few liters of diesel…
Join forces with Pachamama and the spirits of the ancients before entering South Lipez...
We are awakened at dawn by the metallic sound of the bubbling coffee maker placed on the stove. Outside, Marcos checks the levels of the 4x4 and our cargo of food one last time. The Indian world is populated by a multitude of spirits, including those particularly respected by the ancients. These spirits, sometimes well or ill-intentioned, are particularly active in the wild regions of South Lipez.
Marcos places a few coca leaves under a rock, and throws a glass of alcohol against the car to put them on our side. Bolivia is attached to its age-old traditions. As with all the houses in San Pedro, Marcos' mother buried a llama fetus under the foundation stone of her home, and put a wooden cross on the roof to protect it. But of all the customs, the most strongly anchored in the minds of Bolivians concerns Pachamama, Mother Earth, whom they consider to be a living being. Pachamama is fertility and the source of all material goods of earthly life. Before our departure, Marcos did not fail to pour a little alcohol on the ground as an offering to “Pachamama”, to assure the Goddess of all our gratitude and demonstrate to her her total pre-eminence over us…
Uyuni, a caricature of a Wild West village, at the start of the journey in South Lipez…
Marcos drives his 4x4 like an ace on gravel and dirt roads, in a succession of lunar landscapes. The mountainous and isolated region of South Lipez, with approximate transport, on a non-existent road network, in harsh and unpredictable climatic conditions, does not lend itself to classic tourism. It requires experience, composure and endurance. Unless you have your own 4x4, five jerrycans of gasoline, a week's worth of food, a GPS, and a lucky star to avoid spending a night at -25°C lost or in an accident in the middle of nowhere, the best is to go through the numerous agencies that compete in the streets of Uyuni. Uyuni is a Wild West village in the middle of the desert, swept by freezing winds seeming to come from the Arctic. It’s one of those places at the end of the world that makes you feel like you’ve arrived at the furthest place from anywhere. The last village before the edge of the earth, at the gates of the unknown. This is where we found Marcos and his agency, on the advice of Christophe, a young Frenchman. It was Christophe who warned us about the unequal value agencies of Uyuni. “With the growing influx of tourists, the number of travel agencies offering tours in South Lipez has exploded. The problem is that they compete by driving prices to the detriment of tourist safety. They save money on everything, on food, and more seriously, on the maintenance of 4x4s…”.
Christophe and his bar “La Loco”, in homage to the city’s train cemetery…
Christophe is one of those pioneers capable of dropping everything to start a business at the end of the world and in the middle of nowhere, with the feeling of being “in the right place at the right time”. We met him in the main square of Uyuni, while he was distributing leaflets to promote his bar “la Loco”. Christophe modeled the decor of his establishment on a locomotive cemetery which constitutes the only tourist attraction in Uyuni.
You have to follow the railway tracks for two kilometers in the desert outside the city, to come across the offbeat vision of a hundred rusty steam locomotives, the oldest of which date from the infancy of the railway there. more than 150 years ago.
Christophe arrived here through a combination of circumstances. Having come to do his doctoral thesis on the Gran Poder festival in La Paz, on the advice of his ethnology professor, he married a Bolivian woman, and met French people who had shares in two bars in La Paz and Uyuni. He drops everything, and goes with his wife to Uyuni, to buy the rest of the Bolivian shares of the bar which he will rename “La Loco”…
And since then, fighting against long winter evenings and the local pressures of competition, he has held on! Christophe goes around his establishment every evening to inspect every corner before closing, and for good reason! He says “there is nothing easier in Bolivia to close a gringo’s bar than to hide a bag of cocaine in the toilet, and report him to the police for drug trafficking!”
The pioneers of Uyuni, with dreams of fortune and tourist development…
After opening Mongo’s in La Paz, and “la Loco” in Uyuni, Christophe and his “co-shareholder” friends have just opened a “Mongo’s” in San Christobal in South Lipez. They firmly believe in the development of tourism in the region and for good reason! 70,000 tourists passed through Uyuni last year. According to Christophe, “It’s 10 times more than five years ago, and 5 times less than the day when the roads to access this magical place at the end of the world will finally be paved! ". Dreams of fortune shared by John, the American who runs the pizzeria of a hotel near the Uyuni garrison. John is from Boston where he worked as a pizza maker. It was there that he met his Bolivian wife, who had come to the United States to study at university. The young woman's family, one of the richest in Uyuni, owns two hotels, a grocery store, and of course, a travel agency offering raids in South Lipez. “The area is wonderful and the area is going to grow,” he says, “and in the middle of nowhere, you just have to do something different to make it work!” »…
A military camp straight out of a comic book, a pass at 5,200m, and an active volcano…
Our 4x4 swallows the kilometers in the hollows of the Martian valleys of the Salar de Chigana, under a remnant of the morning full Moon. We pass a few trucks always driving in pairs to help each other in the event of a problem, and cars with the steering wheel on the right without license plates. Marcos explains that these used cars from former English colonies are smuggled from Chile. We often took strange taxis in Potosí with a DIY steering wheel on the left and the dashboard on the right!
Marcos stops the 4x4 at the checkpoint of a barracks that seems to come out of a Tintin comic strip or the Stroumphs village.
A railway line crosses the place and disappears in the distance into a lunar landscape. I can't help but defy the ban on photographing this unusual checkpoint. But a soldier in a bad mood storms out of one of the mushroom-shaped houses to confiscate my camera and my passport...
We will get them back a few minutes later in return for a magnificent smile from Isabelle, and the more expensive price paid, the obligation to destroy my photo film and the photos hard to obtain during our evening at Marcos' mother's house... But never mind, everything is forgotten when at the bend of a new rocky track appears the Ollague Volcano and its fumaroles.
When we got out of the car, Isa and I were surprised to find our legs and our breath taken away. Both by the grandiose and unique landscape of the living mountain that offers itself to us, and especially by the 5,200 meters of altitude of the pass at the top of which we parked to admire it!
Soroche, Altitude Sickness which can cause fatal pulmonary edema...
During our trip to the Bolivian Altiplano, we only really suffered once from “Sorroche”, the local name given to altitude sickness. It was a few days earlier, when we arrived in Potosi. From its height of 4,500 meters, Potosi remains the highest major city in the world, higher than Lhasa in Tibet. Fortunately, our altitude sickness in Potosi was reduced to severe insomnia, coupled with a severe headache and some nausea.
The owners of the Potosi hotel got rid of us with a good bowl of “Mate”, an Indian grandmother’s remedy made from coca leaves. But Sorroche caused by a too rapid rise in altitude, to which the body has not had time to adapt, can have more serious consequences depending on the individual. It can cause a form of intense delirium. We witnessed a tourist in the highlands at 5,400 m above sea level, in a 4x4 stopped on the side of the road, who was delirious that she was dying. A delirium that must be taken very seriously because it can transform into acute pulmonary edema, which can be fatal...
“Mate” is not common in the streets in South Lipez, we took the precaution of visiting the pharmacies of Uyuni before our departure, to buy “Sorroch-pills”, a clever mixture of aspirin, caffeine and Coke…
Multicolored volcanic lagoons, herds of llamas and flocks of Pink Flamingos…
It’s a new wonder to discover, further south, the first multicolored volcanic lagoons, populated by hundreds of pink flamingos who peck at the water under the nonchalant gaze of llamas and alpaguas.
There are 360 lagoons in South Lipez, all of which owe their unique coloring, red, green, emerald blue or amethyst, to the presence in the water of various minerals and phytoplankton which react to sunlight. The baking soda rising from volcanic soils into the warm and shallow waters of the lagoons, encourages the development of spirulina algae, which constitutes the staple food of pink flamingos.
We watch the flamingos advance in line, in the direction of the wind, to protect themselves from the freezing and deadly cold. The wading birds, which calmly move their beaks through the water to filter out the algae, seem less bothered by the cold than us. But Marcos still tells us that it is common to find areas of pink flamingos dead of hunger and cold at the end of harsh winters.
Wrapped in their thick woolen fleeces, the llamas and alpacas that wander along the lagoons staring at us are literally laughing at the cold.
For millennia, the peoples of the Andes have derived their entire subsistence, clothing and food, from guanacos and vicuñas, ancestors of today's llamas and alpacas. The particularly fine golden wool of the vicuñas, now endangered, was the exclusive property of the Inca emperors. We will only see two small groups of around ten individuals in the distance during our journey...
A stone tree and a valley of rocks with unusual and animal shapes…
The road through the Siloli Desert, which leads to the “Colorada” lagoon, runs along a multicolored mountain range. Covered at the top with their eternal snow, the mountains then fade into a gradient of green, yellow and rust, signaling the presence of vegetable moss, sulfur and iron...
Marcos stops us near a pile of rocks eroded by sandstorms. The place is in no way comparable to the “Valley of the Rocas” further east, an infinite field of tortuous and sharp rocks, to which the chance of a thousand-year-old erosion has sometimes taken on the silhouette of a lion, of a hawk or a gorilla head…
But the mass at which Marcos stopped us conceals another geological particularity: "the Arbol de Piedra", a rocky mass on a fragile foot which stands apart, as if standing guard, and which has taken over centuries of erosion, the shape of a tree…
A night at -25°C at the edge of the “pink-red” waters of Laguna Colorada...
The 4x4 enters the "Reserva de Fauna Andina - Eduardo Avaroa". We free ourselves from an entrance fee of a few “bolos” in a gatehouse, and arrive at the end of the afternoon on the banks of the Laguna Colorada. We pack up our gear in the barracks of an electricity station where we will spend the night, and set off to tour the lagoon.
Despite its 80 km², the lake with its pinkish red hues which stretches out before our amazed eyes does not exceed a meter in depth. It is bordered all around by a white and pasty ice floe, in which we regularly get stuck. This ice floe is a mixture of sodium, magnesium, gypsum and Borax, a pasty and toxic cement used for ceramics...
Laguna Colorada sits at an altitude of over 4,300 m. And the temperature quickly drops below 0°C as the sun begins to set behind the mountains. We rush back to the camp, and find Marcos standing watch, frozen with cold, at the entrance to the barracks, worried at not having seen us return before nightfall.
We have to get up very early tomorrow, and Marcos is immediately taking us to eat. Isa and I smile at the slightly offbeat image of the plate of spaghetti that we share in a long room, with around thirty young European and American tourists, bundled up in multi-colored parkas and all wearing Peruvian hats...
“Steel nets and safety pins” versus “backpack attacks with cutter knives” …
Of all the nights we will spend in South Lipez, the coldest and least intimate will be that of Laguna Colorada! A wedding night that we will share with around thirty young tourists in the only room in the place. A Spartan room, made up of a pile of metal bunk beds, arranged in a circle around a small stove serving as central heating... Many of these young people have backpacks surrounded by steel nets.
As soon as we got off the minibus in Potosi, a few days earlier, a young Indian who was not very discreet immediately stuck to Isa and me, his hand clenched in his pocket. He was holding a box cutter there. Not to attack us, but to cut up our backpacks and steal whatever had fallen out of them. All I had to do was ask the young boy to show what he had in his hand, to see him scamper off towards another theft. This method of mowing, ultimately very little used here, comes from Peru. Tourists who are familiar with this practice can be recognized by the plastic tarpaulins or steel nets that surround their bags. Conversely, tourists coming from Peru and who were victims of these thefts can be recognized by the multitude of safety pins and makeshift stitching on their backpacks...
Bolivia is one of the poorest countries in Latin America. And its streets are invaded by abandoned children, mainly boys, who work from the age of 5 for 12 hours a day to feed their families. Girls are more often employed in the home, helping with household chores, or looking after their younger brothers and sisters. In the best case scenario, boys become shoeshine boys, or destination barkers in minibuses, and often earn more than both their parents combined. At worst, they join organized crime networks like the young boy with the box cutter...
It is difficult in the microbuses of Potosi to remain indifferent to these children of barely 5 years old, who shout the destinations, hanging on the door in the void to attract users. After 3 stations, the children are replaced by others just as young, and get off after the supportive drivers give them a few coins...
In the cold streets of La Paz, the evening before our return to France, we will give all the change we have in our pocket to a little shoeshine boy crying his eyes out. The young boy did not want to go home, because he had been robbed of his daily wages by an organized gang...
Landing on Venus between smoke and craters bubbling with sulfurous mud…
Marcos “shakes” us at 4:30 in the morning. We found him outside at -25°C, wrapped in an enormous suit giving him the appearance of a cosmonaut. Isa tries to warm up in the front of the 4x4 while I help Marcos with frozen hands to load the luggage onto the roof...
We arrive two hours later at an altitude of 5000 meters on the supernatural site of the “Sol de Mañaña” geysers. The sun rises gently over a volcanic and lunar landscape, from which thick smoke escapes as far as the eye can see, above bubbling craters of sulphurous and grayish mud... Marcos parks the 4x4 on "firm" ground, in front of an artificial geyser from which copper and nitrate vapors forcefully escape with a deafening noise. Unable to handle our cameras in -20°C weather, we cautiously warm our hands near the artificial geyser, before venturing into the middle of the bubbling craters. The world in which we live may be mineral, but it is alive! It’s like we’ve landed on the planet Venus! I cautiously catch up with Isabelle, whose silhouette I can barely make out in the sulphurous smoke...
Isa warns me about the soft edges of a new crater. The earth slipping beneath our feet can lead to a fatal fall into what appears to be a simple bath of lukewarm mud, still boiling at over 200°C! Isabelle shows me the spray of mud that landed on her foot, and burned it through her shoe...
Steaming open-air thermal baths and a desert taken from Dali’s cosmic dreams…
We have lunch in the Salar de Chalvari near the “Thermas del Polque”, a lagoon known for its steaming freshwater pools.
Beyond the curative virtues for the skin of these slightly sulphurous waters at 37°C, there are no words to describe the sensation of fullness felt when you slip into these warm waters, in the middle of a dry and cold desert...
The track to the south which crosses the Salar de Chalviri, between the Laguna Colorada and the Laguna Verde, crosses a maze of arid mountain ranges, in a symphony of caramel and chocolate hues.
The rocky road runs alongside one of the most beautiful deserts in the world, as if it had come out of Salvador Dali's cosmic dreams. A Japanese garden serves as the foreground of a long dune of fine sand, dotted with elegant cylindrical rocks weighing several tons.
Did this place really inspire the painter as the legend claims? Or is it chance that is the source of its resemblance to some of his paintings? Despite Marcos's convinced assertions, we will still lean towards the disturbing version of chance...
An emerald green lagoon at the foot of a volcano at 6000m on the Chilean border…
We are coming to the end of our honeymoon at the favorite site of National Geographic photographers and NASA scientists, who collect photos taken from the Space Shuttle.
Laguna Verde, at an altitude of 4,500 m, owes its unique emerald green color to a mixture of magnesium, sodium, calcium, lead and arsenic. The lagoon reflects the image of the Lilacancabur volcano, which sits at 5900m on the border with Chile.
On the other side of the mountain, from the top of which young Incas were thrown as sacrifices to attract the goodwill of the gods, begins the arid Atacama desert...
A small stone to thank Achachilla, God of the mountains, for his clemency throughout a unique journey, in the mineral and living universe of South Lipez...
A small pile of stones in front of Laguna Verde reminds us that the ancestral animist religion of the Andes continues to govern everyday life here. The same small pile of stones that lamas bless, in Tibet, at the top of mountain passes to honor the spirits of the ancients. The same small pile of stones, as those which dot the lands of Outer Mongolia, from the shamans who one day crossed the Bering Strait with their tribes, to come and populate Latin America. A small pile of stone which reminds us that here we call on the “curandero”, the healer, more than the doctor. And that a little grass and a few incantations have more effect than a stethoscope and antibiotics... A small pile of stone on top of which, when you arrive here safely, you must place your own stone as a sign of respect towards Achachila, the ancient god of the mountain. It is Isabelle who will delicately place our little white stone on the centuries-old mound, to thank the Achachila for its clemency, and for the mineral spectacle and the extraordinary visions that it will have given us during these few days of crossing South Lipez.