Pakistan - Chantier de démolition naval de Gadani - Le Cimetière des Géants de la Mer.
11 juil. 2009Pakistan, Gadani, the cemetery of the sea giants.
English translation at the end of the article
La mise à mort des plus puissants navires du monde à 40km de Karachi…
Le bus qui m’emmène à l’aube dans une moiteur étouffante à l’ouest de Karachi, marque un nouvel arrêt avant d’enjamber le fleuve l’Indus, berceau de 5000 ans de civilisation. Deux ouvriers pakistanais montent à bord tandis qu’un troupeau de buffles patauge en contrebas dans les eaux basses du fleuve, pour échapper aux 40°C à l’ombre qui sévissent le long des côtes du Golfe Persique...
Ma destination ? Un petit village de pêcheurs sur la mer d’Oman, devenu grâce à l'esprit d'entreprise d'hommes d'affaires pakistanais, l'un des plus grands chantiers de démolition navale au monde... Le lieu de mise à mort des navires les plus puissants de la planète !!!
Partis du terminus du « Lea Market », l’un des plus anciens souks de Karachi, le Bus met trois heures pour parcourir la quarantaine de kilomètres qui nous séparent du village de Gadani. Entre les arrêts fréquents et les multiples détours dans une banlieue grouillante et embouteillée, prendre le bus est moins rapide que de louer une voiture mais cela a aussi ses avantages. Il est d’une part toujours aussi agréable et dépaysant de voyager dans les transports locaux, véritables œuvres d’art montées sur roues sillonnant les routes du Pakistan (voir Article). Et l’on y passe surtout beaucoup plus inaperçu pour franchir les différents barrages de police et interrogatoires associés qui verrouillent les portes de Karachi.
Des bateaux posés sur les dunes dans un remake de Rencontre du 3ème type, au chantier de démolition naval de Gadani au Pakistan...
Des bateaux posés sur les dunes dans un remake de Rencontre du 3ème type, au chantier de démolition naval de Gadani au Pakistan...
Le spectacle commence à quelques kilomètres de Gadani.
Le jeu des dunes du désert dominant le niveau de la mer nous plonge dans un remake de « Rencontre du Troisième Type ». Des bateaux immenses, hauts comme des cathédrales et longs comme la Tour Effel, semblent tombés du ciel au milieu du désert. Tout s’explique en vue de la plage elle-même. Après avoir sillonnés les mers et les océans du globe, les gigantesques navires en fin de vie acheminés vers le cimetière marin de Gadani, sont lancés à pleine vitesse à quelques kilomètres de la côte, pour les échouer le plus loin possible sur la grève à marée haute.
Des bateaux posés sur les dunes dans un remake de Rencontre du 3ème type, au chantier de démolition naval de Gadani au Pakistan...
Bien que situé aux abords de Karachi, capitale du Sind, le village de Gadani appartient à la province du Balûchistân, régie par le gouvernement tribal de Quetta, près de la frontière afghane…
Le banditisme « traditionnel » qui sévit dans le Balûchistân, vaste région couvrant le Pakistan mais aussi l’Afghanistan et l’Iran, présente un réel danger pour les étrangers. Certaines tribus s’y livrent traditionnellement au kidnapping, et il est déconseillé de s’éloigner de Quetta et des grands axes qui y mènent. Tout le reste de la région étant bouclé aux touristes, c’est avec une autorisation difficilement acquise au « Home & Tribal Affair Department » de Quetta, que j’ai pu me rendre en « toute légalité » à Gadani. Une autorisation qui stipule tout de même que je dois quitter les lieux avant la tombée de la nuit !
Une entreprise démesurée qui nous ramène « aux temps des Cathédrales »…
C'est en circulant aux pieds des épaves à l'agonie que l'on apprécie toute la démesure de l’entreprise. Des hommes se relaient jours et nuits dans une chaleur étouffante pour arrimer sur la plage les épaves monumentales, et les découper à la lumière étincelante des chalumeaux. De la proue à la poupe, d'énormes parties de coques et de cuves sont découpées méthodiquement par tranches verticales de quelques mètres. Elles sont ensuite basculées dans le vide dans un vacarme assourdissant, puis treuillées sur le haut de la plage afin d’y être découpées plus finement.
Des milliers de tonnes de ferraille par jour sont ainsi entassés dans un univers chaotique rythmé par le va et vient des camions, qui emportent l’acier vers Karachi pour y être aussitôt revendu...
Les camions pakistanais chargeant l'acier découpé sur le chantier de démolition naval de Gadani au Pakistan...
Sur le sable de Gadani, les plus gros navires de la planète sont mis à mort en quelques semaines.
Trois cents hommes armés de chalumeaux suffiront pour dépecer pièces par pièces un super pétrolier de deux cent mètres de long et de quarante mille tonnes, en seulement 45 jours !
Acheté au poids entre 120 et 150 dollars la tonne selon le cours, l’investissement initial des entreprises de démantèlement pour un paquebot ou un pétrolier en fin de vie, est plus que conséquent. Mais la ferraille sera vite revendue le double, tandis que les vannes, la boiserie, le matériel électrique, les pompes, et les moteurs rapporteront après remise en état, beaucoup plus cher relativement à leurs poids…
Acheté 5 millions de dollars, un pétrolier de 40.000 tonnes rapportera plus du double à l’homme d’affaires pakistanais, pendant que ses ouvriers de l'ombre gagneront en moyenne 1 à 4 Euros par jour, à risquer leur maigre vie le temps du chantier !
Une catastrophe pour l’environnement et la santé des Baloutchis avoisinants…
Au-delà de l’aspect titanesque de l’entreprise, la plage de Gadani reste avant tout une vision de cauchemar pour qui conque se soucie de l’environnement. L’activité colossale qui règne sur le chantier a complètement bouleversé le paysage côtier. Par endroit, le sable est tellement tassé par le poids des pièces treuillées qu’il a l’aspect du béton. Le haut de la plage n'est plus qu'un enchevêtrement de débris de navires de la taille d'une maison, qu’il faut contourner prudemment en évitant les câbles d’arrimages des épaves qui par leur tension, cisaillent littéralement la grève.
Beaucoup plus grave et pernicieux sont les émissions de pétrole et de gaz chimiques qui s’échappent inexorablement des épaves pour se répandre dans la mer d’Oman. Une multitude de poissons morts flottent autours des bateaux échoués. Et les pêcheurs baloutchis des villages voisins disent devoir partir en mer toujours plus loin pour trouver du poisson. Ce qui n’évite pas aux villageois qui consomment le poisson pêché, de se plaindre de maux d’estomac, et pour certains de problèmes de respiration et de troubles de la vue…
La sécurité des hommes n’est pas une priorité dans le chaos de Gadani…
A bord des épaves, le danger est omniprésent et la visite se fait à vos risques et périls entre les pièces de métal tranchées, les pontons couverts d’huiles, et les fumerolles de résidus de pétroles chauffés par l’activité des chalumeaux.
Je me souviendrai toute ma vie de l’échelle étroite et huileuse menant en haut d’un super pétrolier au-dessus de 50m de vide !…
Sur le pont, les chefs d'équipes circulent dans une ambiance «Germinal» entre les ouvriers, donnent des directives et choisissent les pièces de récupération à remettre en état.
Autour d’eux, des hommes suants à grosses gouttes dans des vêtements en lambeaux couverts d’huile, hissent à bord du matériel lourd de manutention, tandis que d’autres, le visage noirci par la crasse, travaillent sans relâche dans les entrailles des monstres à patauger dans des fonds de cuves.
Qu’ils soient suspendus dans le vide à 50m du sol, ou couchés sous les poutrelles à découper l’acier au chalumeau dans les vapeurs d'hydrocarbures, aucun ne porte de vêtement de sécurité, ni même de casque !!!
Survivants misérables des heures les plus sombres qui ont précédé la révolution industrielle, les ouvriers de Gadani travaillent à nos yeux pour une paye de misère sans aucune sécurité. Mais ils sont paradoxalement contents !!! « Nous avons du travail et un bon salaire alors que tout le monde est au chômage !!! » me disent des ouvriers expérimentés découpant la carlingue au chalumeau. Ils gagnent 4,5 $ par jour, quatre fois plus que les ouvriers inexpérimentés travaillant à la manutention...
La rupture d’un câble plonge 6 hommes dans le vide et lui casse la jambe…
L’activité de loin la plus dangereuse est celle des hommes qui travaillent au fond des cuves dans un noir total, mélange de fumées d’huile, de pétrole, et du gaz de leurs torches. « Nous devons faire un break toutes les 2 heures », me dit Muhammad Khan, un jeune ouvrier de 35 ans émergeant d’une cuve. Quand je lui demande comment il fait pour mesurer deux heures sans montre, il me répond simplement en souriant qu'il sort quand il suffoque !…
Il me raconte l’histoire d’hommes qu’il a vu mourir tranquillement de suffocation au fond des cuves parce qu’ils s’étaient oubliés à leur tâche, et d’autres plus nombreux, tués dans des explosions de gaz. Quand on meurt sur le chantier, s’exclame t-il, l’entreprise donne plus de 3.000 $ à la famille pour rapatrier le corps ! Et il y a les blessées, nombreux et réguliers, emmenés d’urgence à Karachi dans l’unique ambulance de Gadani, un véhicule branlant à la peinture écaillée par le soleil, qui constitue la seule planche de salut des victimes d’un chantier sans clinique ni infirmerie...
Ouvriers du chantier de démolition naval de Gadani au Pakistan, chargeant un fenwick à bord d'un supertanker...
Muhammad Khan me présente un ami à lui, un « rescapé de Dieu » comme il l’appelle. Arrivés tous deux en même temps sur le chantier, ils se connaissent et travaillent ici ensemble depuis plus de 20 ans. Je ravale ma salive lorsque je réalise que nous avons le même âge… Son ami me décrit comment un câble d’arrimage ayant lâché en haut d’un pont, a tué six hommes, les plongeant dans le vide, et lui a cassé la jambe. Cela ne l’a pas empêché de revenir travailler sur le chantier 2 mois plus tard. « Oui c’est dangereux ! » me disent-ils en guise de conclusion. « Mais il n’y a rien d’autre à faire et rien d’autre que nous sachions faire !… »
Ouvriers du chantier de démolition naval de Gadani au Pakistan, chargeant un fenwick à bord d'un supertanker...
Un univers digne de Germinal, où la main d’œuvre ne vient jamais à manquer…
Bien que les conditions de travail inhumaines des ouvriers du chantier aient peu évolué depuis 40 ans, la main d’œuvre ne vient paradoxalement jamais à manquer. Les Pakistanais en quête d’Eldorado continuent d’affluer de tout le pays pour travailler à Gadani, et tous les hommes des villages avoisinants accourent pleins d’espoir à chaque nouveau bateau qui vient s’échouer sur la plage...
Hommes du Pakistan, de gauche à droite, un homme du Sind, un homme du Penjab, un descendant mongol...
Hommes du Pakistan, de gauche à droite, un descendant mongol, un homme du Baloutchistan et un Guerrier Pathan...
Même si les ouvriers de Gadani viennent principalement de la tribu des Pathans, guerriers à la réputation martiale et gardiens traditionnels de la frontière Afghano-Pakistanaise, on reste surpris dans l’ensemble par l’étonnante diversité ethnique qui règne sur les chantiers. Une diversité à l’échelle même du Pakistan, jeune pays issus de la partition de l’empire des Indes en 1947, et qui doit son nom aux initiales des provinces qu’il regroupe (P pour Panjab, A comme Afghanistan pour le Balûchistân, K pour Cachemire, S pour Sind et Stan qui signifie « Terre »). Un pays multiethnique gouverné sous le joug militaire discret du général et président Pervez Musharraf, auteur d’un coup d’état militaire en 1999, et dont l’Islam est l’indispensable ciment de l’identité nationale…
Ouvriers du chantier de démolition naval de Gadani au Pakistan, à la découpe au chalumeau d'un supertanker...
Une activité en hausse et un désastre pour l’écosystème du Golf Persique…
Pour Green Peace qui dénonce cette activité comme étant l’une des plus mortifère qui soit, « il n’y a pas de secret ! ». Les pays champions du démantèlement de navires sont ceux qui ont la main d’œuvre la plus basse et les standards les plus bas en terme d’environnement. Avec le développement d’une concurrence acharnée au Bangladesh, en Inde et en Chine, la plage Gadani telle que nous la voyons aujourd’hui forte de ses 3000 ouvriers, reste l’ombre de ce qu’elle était dans les années 70. A l’époque, des dizaines de bateaux se succédaient en rang à l’infini, sur lesquels s’afféraient 35.000 hommes sans relâche, comme des fourmis sur une poubelle de pique-nique abandonnée.
Ouvriers du chantier de démolition naval de Gadani au Pakistan, à la découpe au chalumeau d'un supertanker...
C’était déjà pour faire face à un marché de plus en plus concurrentiel dans les années 2000, que l’ex président Pervez Musharraf, dernier dirigeant militaire du Pakistan, avait divisé par trois les taxes des entreprises de démantèlements de Gadani. Cette décision pour rendre plus compétitif le chantier, avait bien sûr fait la joie de l’industrie de démantèlement pakistanaise. Grâce à cette réduction de taxes, les paquebots et les pétroliers recommencèrent à arriver en masse à Gadani, et le Pakistan décrocha pour 17M$ le démantèlement du Sea Giant, le second bateau le plus grand jamais bâti et issu des chantiers navals français.
A l’opposé, l’action de Pervez Musharraf soulèva l’indignation de Green Peace pour qui le regain d’activité attendu à Gadani, allait être un désastre pour l’environnement, et pour l’écosystème du Golf Persique tout entier...
Mais la baisse d’activité des uns faisant la croissance des autres, pointer un doigt accusateur sur les « conséquence », sans s’attaquer aux « causes » ne peut rien résoudre. A l’image pour ce qui nous concerne des mésaventures du Porte-Avions Clemenceau en 2006, intercepté en Sicile par l’armée française alors que la compagnie espagnole chargée de son démantèlement le transférait sournoisement sur un chantier en Turquie. Nous devons tous soulever la question de la responsabilité de chacun sur le démantèlement des navires à la fin de leur vie…
Ouvriers du chantier de démolition naval de Gadani au Pakistan, à la découpe au chalumeau d'un supertanker...
EPILOGUE :
Plus de 30 morts et des dizaines de blessés ! C'est le bilan dramatique des deux derniers accidents connus les plus médiatisés, arrivés en novembre 2016 et janvier 2017 sur le chantier de démantèlement de navires de Gadani. Des accidents d’autant plus commentés qu’ils étaient spectaculaires car il faisait suite à des explosions de gaz et des incendies.
Suite à ces évènements, les autorités locales ont décidé d'interdire le traitement des navires citernes (pétroliers et transporteurs de GPL) dans le chantier jusqu'à ce que des mécanismes de sécurité appropriés soient mis en place. Une autorité indépendante a également été mise en place pour vérifier l'application des mesures de sécurité et surveiller l'état des infrastructures. Et en attendant son installation officielle, un comité temporaire d'experts venant du secteur privé devrait prendre les premières mesures, Bla bla bla, bla bla bla…
Dans les années 80, Gadani était le plus grand chantier de démolition de navires au monde avec 30 000 employés directs. Malgré toutes les incitations du gouvernement pakistanais, Gadani reste toujours aujourd’hui le 3ème plus grand chantier de démolition navale du monde, avec seulement 6 000 employés direct, derrière les chantiers plus compétitifs et encore plus dangereux d'Alang, en Inde, et de Chittagong, au Bangladesh…
Les morts par accident, plus ou moins médiatisées, se succèdent d’années en années et de tout temps sur le chantier de Gadani, proportionnellement aux chantiers et au nombre d’employés engagés… Et quoi que le gouvernement pakistanais fasse pour sauver les apparences, il y a fort à parier que rien ne change au niveau de la sécurité sur le chantier de Gadani, si cela se traduit par une perte de compétitivité ou de marché… A suivre…
Pakistan, Gadani, the cemetery of the sea giants.
The killing of the most powerful ships in the world 40km from Karachi…
The bus which takes me at dawn in a stifling humidity to the west of Karachi, makes another stop before crossing the Indus river, cradle of 5000 years of civilization. Two Pakistani workers climb on board while a herd of buffalo wades below in the low waters of the river, to escape the 40°C in the shade that rages along the coasts of the Persian Gulf...
My destination ? A small fishing village on the Arabian Sea, which became, thanks to the entrepreneurial spirit of Pakistani businessmen, one of the largest shipbreaking yards in the world... The place of killing of the most powerful ships on the planet! ! !
Departing from the terminus of “Lea Market”, one of the oldest souks in Karachi, the Bus takes three hours to cover the forty kilometers that separate us from the village of Gadani. Between the frequent stops and the multiple detours in a teeming and congested suburb, taking the bus is slower than renting a car but it also has its advantages. On the one hand, it is always so pleasant and exotic to travel in local transport, true works of art mounted on wheels crisscrossing the roads of Pakistan (see Article). And above all, we go much more unnoticed to get through the various police roadblocks and associated interrogations that lock the doors of Karachi.
Boats placed on the dunes in a remake of “Close Encounters of the 3rd Kind”…
The show begins a few kilometers from Gadani. The play of desert dunes towering above sea level immerses us in a remake of “Close Encounters of the Third Kind”. Immense boats, as high as cathedrals and as long as the Effel Tower, seem to have fallen from the sky into the middle of the desert. Everything is explained in view of the beach itself. After having crisscrossed the seas and oceans of the globe, the gigantic ships at the end of their life transported to the marine cemetery of Gadani, are launched at full speed a few kilometers from the coast, to run aground as far as possible on the beach, at high tide.
Although located on the outskirts of Karachi, capital of Sindh, the village of Gadani belongs to the province of Baluchistan, governed by the tribal government of Quetta, near the Afghan border...
The “traditional” banditry that is rife in Baluchistan, a vast region covering Pakistan but also Afghanistan and Iran, presents a real danger for foreigners. Certain tribes traditionally engage in kidnapping, and it is not recommended to travel far from Quetta and the main roads leading there. With the rest of the region closed off to tourists, I was finally able to obtain authorization with difficulty from the “Home & Tribal Affair Department” in Quetta, to go “completely legally” to Gadani. An authorization which still stipulates that I must leave the premises before nightfall!
A disproportionate undertaking which takes us back to “the times of the Cathedrals”…
It is by walking past the dying wrecks that we appreciate the full extent of the undertaking. Men take turns days and nights in stifling heat to stow the monumental wrecks on the beach, and cut them up by the sparkling light of blowtorches. From bow to stern, huge sections of hulls and tanks are methodically cut in vertical sections of a few meters. They are then tipped into the void amid a deafening noise, then winched to the top of the beach in order to be cut more finely.
Thousands of tonnes of scrap metal per day are piled up in a chaotic universe punctuated by the comings and goings of trucks, which take the steel to Karachi to be immediately resold there...
On the sands of Gadani, the largest ships on the planet are put to death in a few weeks.
Three hundred men armed with blowtorches will be enough to cut up piece by piece a super tanker two hundred meters long and forty thousand tons, in just 45 days!
Purchased by weight between 120 and 150 dollars per tonne depending on the price, the initial investment of dismantling companies for a liner or an oil tanker at the end of its life is more than substantial. But the scrap metal will quickly be resold for twice as much, while the valves, woodwork, electrical equipment, pumps, and motors will fetch a much higher price after restoration, relative to their weight...
Purchased for 5 million dollars, a 40,000 ton tanker will bring in more than double the income for the Pakistani businessman, while his shadow workers will earn on average 1 to 4 Euros per day, risking their meager lives during the shipbreaking yard of the tanker!
A disaster for the environment and the health of the neighboring Baluchis…
Beyond the titanic aspect of the enterprise, Gadani beach remains above all a nightmare vision for anyone who cares about the environment. The colossal activity reigning on the site has completely disrupted the coastal landscape. In places, the sand is so compacted by the weight of the winched parts that it has the appearance of concrete. The top of the beach is nothing more than a tangle of ship debris the size of a house, which must be circumvented carefully, avoiding the mooring cables of the wrecks which, by their tension, literally shear the beach.
Much more serious and pernicious are the emissions of oil and chemical gases that inexorably escape from wrecks and spread into the Arabian Sea. A multitude of dead fish float around the stranded boats. And Baloch fishermen from neighboring villages say they have to go to sea ever further to find fish. This does not prevent the villagers who eat the caught fish from complaining of stomach aches, and for some of breathing problems and vision problems...
Human safety is not a priority in the Gadani chaos...
On board the wrecks, danger is omnipresent and the visit is done at your own risk between the sliced pieces of metal, the pontoons covered in oil, and the fumaroles of oil residue heated by the activity of the blowtorches.
I will remember all my life the narrow and oily ladder leading to the top of a super tanker above 50m of void !…
On the bridge, the team leaders circulate in a “Germinal” atmosphere among the workers, give instructions and choose the salvaged parts to be repaired.
Around them, men sweating profusely in tattered clothes covered in oil, hoist heavy handling equipment on board, while others, their faces blackened by filth, work tirelessly in the bowels of the monsters to wade in the bottom of tanks.
Whether they are suspended in the void 50m from the ground, or lying under the beams cutting steel with a blowtorch in hydrocarbon vapors, none of them wear safety clothing, or even a helmet!!!
Miserable survivors of the darkest hours that preceded the industrial revolution, the workers of Gadani work in our eyes for poverty pay without any security. But they are paradoxically happy!!! “We have work and a good salary while everyone is unemployed!!! » experienced workers cutting the cabin with a blowtorch tell me. They earn $4.5 per day, four times more than inexperienced workers working in material handling...
The break of a cable plunges 6 men into the void and breaks their leg...
By far the most dangerous activity is that of the men who work at the bottom of the tanks in total darkness, in a mixture of oil fumes, petroleum, and gas from their torches. “We have to take a break every 2 hours,” Muhammad Khan, a young 35-year-old worker emerging from a tank, told me. When I ask him how he manages to measure two hours without a watch, he simply answers with a smile that he goes out when he is suffocating!…
He tells me the story of men he saw calmly die of suffocation at the bottom of the tanks because they were concentrating on their task, and others, more numerous, killed in gas explosions. When you die on the construction site, he exclaims, the company gives more than $3,000 to the family to repatriate the body! And there are the injured, numerous and regular, rushed to Karachi in the unique ambulance of Gadani, a rickety vehicle with paint peeling from the sun, which constitutes the only salvation for the victims of the naval demolition yard, without a clinic or infirmary...
Muhammad Khan introduces me to a friend of his, a “survivor of God” as he calls him. Both arriving on the site at the same time, they know each other and have worked here together for more than 20 years. I swallow my saliva when I realize that we are the same age... His friend describes to me how a tie-down cable having failed at the top of a bridge, killed six men, plunging them into the void, and broke his leg . This did not prevent him from returning to work on the site 2 months later. “Yes, it’s dangerous! » they tell me in conclusion. “But there is nothing else to do and nothing else that we know how to do!”
A universe worthy of Germinal, where there is never a shortage of labor...
Although the inhumane working conditions of construction workers have changed little over the past 40 years, paradoxically there is never a shortage of labor. Pakistanis in search of El Dorado continue to flock from all over the country to work in Gadani, and all the men from the surrounding villages come running full of hope with each new boat that washes up on the beach...
Even if Gadani's workers mainly come from the Pathan tribe, warriors with a martial reputation and traditional guardians of the Afghan-Pakistani border, I remain surprised overall by the astonishing ethnic diversity that reigns on the construction sites. Diversity on the scale of Pakistan itself, a young country resulting from the partition of the Indian Empire in 1947, and which owes its name to the initials of the provinces it groups together (P for Punjab, A for Afghanistan for Baluchistan, K for Kashmir, S for Sindh and Stan which means “Earth”). A multi-ethnic country governed at the time under the discreet military yoke of general and president Pervez Musharraf, author of a military coup in 1999, and whose Islam is the essential cement of national identity...
Increasing activity and a disaster for the Persian Gulf ecosystem…
For Green Peace, which denounces this activity as one of the most deadly there is, “there is no secret! ". The champion countries in ship dismantling are those with the lowest labor force and the lowest environmental standards. With the development of fierce competition in Bangladesh, India and China, Gadani beach as we see it today, with its 3,000 workers, remains a shadow of what it was in the 1970s. At the time, dozens of boats lined up endlessly, on which 35,000 men worked tirelessly, like ants on an abandoned picnic bin.
It was already to face an increasingly competitive market in the 2000s that former President Pervez Musharraf, the last military ruler of Pakistan, had divided the taxes of Gadani dismantling companies by three. This decision, to make the site more competitive, was of course to the delight of the Pakistani dismantling industry. Thanks to this tax reduction, liners and oil tankers began to arrive en masse again in Gadani, and Pakistan obtained for $17 million the dismantling of the Sea Giant, the second largest boat ever built and from French shipyards.
On the other hand, Pervez Musharraf's action aroused the indignation of Green Peace for whom the expected renewed activity in Gadani was going to be a disaster for the environment, and for the entire Persian Gulf ecosystem. .
But the decline in activity of some causes the growth of others, pointing an accusing finger at the “consequences”, without tackling the “causes” cannot resolve anything. As far as we are concerned, the misadventures of the Clemenceau Aircraft Carrier in 2006, intercepted in Sicily by the French army while the Spanish company responsible for its dismantling was sneakily transferring it to a construction site in Turkey. We must all raise the question of everyone's responsibility for the dismantling of ships at the end of their life...
EPILOGUE:
More than 30 dead and dozens injured! This is the dramatic outcome of the last two most publicized known accidents, which occurred in November 2016 and January 2017 at the Gadani ship dismantling site. Accidents that were all the more commented on because they were spectacular because they followed gas explosions and fires.
Following these events, local authorities decided to prohibit the processing of tankers (oil tankers and LPG carriers) in the yard until appropriate safety mechanisms are put in place. An independent authority has also been set up to verify the application of security measures and monitor the state of infrastructure. And while waiting for its official installation, a temporary committee of experts from the private sector should take the first measures, Bla bla bla, bla bla bla…
In the 1980s, Gadani was the largest shipbreaking yard in the world with 30,000 direct employees. Despite all the incentives from the Pakistani government, Gadani still remains today the 3rd largest shipbreaking yard in the world, with only 6,000 direct employees, behind the more competitive and even more dangerous yards of Alang, India, and Chittagong, Bangladesh…
Accidental deaths, more or less publicized, follow one another from year to year and at all times on the Gadani site, in proportion to the sites and the number of employees engaged... And whatever the Pakistani government does to keep up appearances, it's a safe bet that nothing will change in terms of safety on the Gadani site, if this results in a loss of competitiveness or market... To be continued...