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Bolivie - Sud Lipez - Voyage de Noces dans l'Altiplano Bolivien

par Yves MAILLIERE 28 Juillet 2009, 19:38 BOLIVIE

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Bolivie - Sud Lipez


Voyage de Noces dans l’Altiplano Bolivien

 

 

Le Salar de Uyuni, un Désert de Sel grand comme deux départements Français...
J’avais entouré la destination de notre Voyage de Noce d’un voile de mystère et d’aventure. « Nous serons seuls au monde. » avais-je glissée à l’oreille d’Isabelle devant l’autel. Je ne croyais pas si bien dire devant le sentiment écrasant de solitude que nous ressentons face à l’immensité brillante comme la neige, qui s’étend sans limite face à nous.


 

  

Une nuit de noce à 3700m d’altitude, dans un hôtel de sel…
 


 

Nous allons passer notre nuit de noce dans « l’hôtel de Sel », une battisse dont les murs, la charpente et l’aménagement intérieur, sont entièrement construits en briques de sel. Seuls le toit, les portes et les fenêtres sont en chaume ou en bois. Je ne peux m’empêcher de passer la langue contre un mur, et de faire rire Isabelle de me voir lui confirmer en grimaçant que « notre igloo de lune de miel » est bien tout en sel ! 
 

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La nuit tombe doucement sur le Salar de Uyuni. Isa et moi restons en extase sur le pas de la porte l’hôtel à contempler cette fin de journée changeant la couleur du Salar. Avec le soleil couchant, le Salar passe d’un blanc étincelant à des teintes ocres puis beiges. Nous sommes presque étonnés de pouvoir nous asseoir sur la banquise de sel pour jouir du spectacle sans se geler les fesses. Mais les 3700 m d’altitude de l’hôtel de sel nous ramènent vite à la réalité. La température chute rapidement en dessous de zéro. Et elle descendra jusqu’à -25°C au plus profond de la nuit. Une nuit de noce qui sera aussi blanche que le Salar, ensorcelés par la magnificence des lieux, et surtout par une pleine lune majestueuse éclairant la surface du Salar comme en plein jour…

 

La plus grande réserve de sel du monde, exploitée par des ouvriers fantômes…
 


 

Le Salar de Uyuni a la particularité d’être la surface plane la plus vaste du monde et de constituer la plus grande réserve de sel de la planète. 10 000 km² de sel sur une profondeur allant de quelques centimètres à une trentaine de mètres par endroits.

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Une quantité incommensurable de sel, exploitée artisanalement par les campesinos du petit village de Colchani. Tels des fantômes derrière des cagoules de laine et des lunettes de glaciers pour se protéger de la réverbération et du sel qui rongent leur peau, les ouvriers de Colchani raclent la surface du Salar à la pelle et à la pioche pour trois € par jour.

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La journée se termine lorsque les campesinos signent de leurs initiales les cônes de sel qu’ils ont formés. Des cônes qui seront acheminés le lendemain par camion au village, où d’autres campesinos travailleront au raffinement du sel sur des foyers alimentés jours et nuits dans des usines de fortune.

  

Le Salar de Uyuni, une ancienne mer qui s’étendait jusqu’au Lac Titicaca…

 

La formation du Salar de Uyuni reste mystérieuse. Le tenancier de « l’Hôtel de Sel » est heureux de pouvoir converser avec des étrangers. Il raconte que le Salar serait une ancienne mer qui s'étendait jusqu’au lac Titicaca, à des centaines de kilomètres au nord. Le vieil homme, au visage marqué par la rudesse du climat, le sel et la réverbération du soleil, nous invite à revenir à la saison des pluies. « A cette époque de l’année », s’émerveille t-il, « le Salar est noyé sous une fine couche d’eau. Il se transforme en un miroir infini qui reflète si bien le ciel, que l’horizon disparaît. L’hôtel semble flotter au milieu des nuages, et en se promenant, on a l’impression d’être suspendus dans les airs… ». Face à l’enthousiasme avec lequel il nous décrit « son Salar », nous n’osons pas dire au vieil homme que sa vie tranquille risque prochainement d’être bouleversée. Le Salar de Uyuni, bien que site protégé, abrite la moitié des réserves de la planète en lithium, un métal alcalin argenté et convoité, qui a la particularité d’être le plus léger des solides…

 

 

 

"La Isla de los Pescadores" : Une île rocailleuse sur un océan de sel craquelé, colonisée par des cactus géants…


 

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Marcos, notre chauffeur, débarque à l’aube pour nous emmener découvrir une autre particularité insolite du Salar. Nous parcourons une trentaine de kilomètres dans un blanc étincelant, jusqu’à ce qu’apparaisse un point flottant sur l’océan de sel craquelé. Nous accostons sur « la Isla de los Pescadores », une île fantomatique sur laquelle pousse des centaines de cactus millénaires en forme de chandeliers, et dont certains atteignent plus de dix mètres de haut.

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Nous faisons aussitôt l’ascension de l’île entre les cactus géants, tandis que Marcos choisit minutieusement des aiguilles sur un cactus géant, qu’il donnera ce soir à sa mère pour tricoter.


Nous marquons un arrêt à mi-sommet devant le spectacle magique de « viscachas », des gros lapins aux pattes de kangourous, qui s’éloignent de rochers en rochers en quelques bons prodigieux…

 

Un voyage de 200 ans en arrière, le temps d’une nuit chez la mère de Marcos…


 

La mère de Marcos, une vieille indienne sans âge du village de San Pedro, n’a ni l’électricité ni l’eau courante. Autour de la maison, il n’y a pas de commerce. Juste une vielle voie de chemin de fer pour relier le village au reste du monde. Il passe paraît-il un train par jour à la gare de San Pedro. C’est là que les enfants vont faire le plein à une pompe à eau, dans un balai incessant de brouettes remplies de bidons en plastic. Les rares habitations du Village de San Pedro, pour la plupart abandonnées, abritent quelques indiens vivant pauvrement d’élevage de lamas et d’agriculture.

 

 

Sur le papier, la Bolivie est le 2ème pays le plus pauvre d’Amérique latine après le Guyana. Mais la situation n’est pas aussi critique qu’il y parait. Car de nombreux boliviens ruraux vivent en dehors du « système », en complète autarcie. Descendants de chasseurs nomades arrivés de Sibérie il y a 30 000 ans par le détroit de Béring, les indiens de l’altiplano restent à l’image de la région, austères, rudes et solides. Viscéralement attachés à leurs terres, ils ne se plaignent jamais de leur sort, et estiment paradoxalement que leur vie est bonne et « tranquillo ».

 

Fidèle aux traditions, la mère de Marcos file la laine de Lamas sans discontinuer…


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Lamas de la Laguna Colorada...

Marcos remet à sa mère les aiguilles de cactus qu’il a récupérées sur la « Isla de Los Pescadores ». La vieille femme est émouvante dans sa dignité. Elle arbore un empilage de jupons sous un tablier de dentelle. Sa chemise blanche est fermée au col sous un gilet de laine. Et son chapon melon coiffe une raie au milieu et deux longues tresses jointes dans le dos par une touffe de laine noire.

 


Le costume « Chola », tenue stéréotypée des femmes andines devenu l’emblème du pays, leur fût imposé au 18ème siècle par le roi d’Espagne pour éradiquer les costumes folklorique locaux, et saper l’identité des indiens aymara et quechua colonisés…. Fidèle à la tradition de cette région d’élevage de lamas et d’alpagua, où les filles apprennent à filer ou à tisser dès le plus jeune âge, la mère de Marcos consacre tout son temps libre au fuseau et au métier. Assise ou debout avec son stock de laine brute dans le dos, la vieille femme file de la laine constamment, et ne s’arrête que pour nous réchauffer une galette de pain sur un vieux poêle.

Carlos, camionneur et contrebandier de llaretta...


Carlos, le frère cadet de Marcos, n’est pas très bavard. Il ravive régulièrement les braises du vieux poêle, en mâchant ses feuilles de coca l’air absent. Si la Cocaïne est interdite en Bolivie, la Coca elle, est vénérée dans le pays comme un don divin censé chasser les mauvais esprits. « Mâchée » quotidiennement par une majorité de boliviens, la coca ne provoque pas d’effets démesurés. Elle donne la sensation d’être détaché, mélancolique et agréablement satisfait, faisant oublier la faim et l’altitude. Il faut une demi tonne de feuilles de coca et quelques hectolitres de kérosène, d’acide chlorhydrique et autres produits chimiques pour faire un kilo de cocaïne. Malgré les centaines de millions de dollars de subventions américaines pour financer la destruction des champs par le largage sauvage de pesticides, ou inciter les paysans à changer de culture, un quart de la population bolivienne vit encore plus ou moins directement de cette drogue. Tant que la Cocaïne sera illégale et que la demande se maintiendra, il est improbable que les dealers et trafiquants internationaux renoncent aux bénéfices qu’elle représente. De même qu’il sera difficile pour les paysans boliviens de renoncer à la culture d’un arbrisseau qui donne facilement 4 récoltes par an, et dont la production se vend plus facilement que n’importe quelle autre.

 

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La llareta, plante médicinale protégée et en voie de disparition, utilisée comme bois de chauffage par les indiens de la région. 

 

Carlos est chauffeur de camion, et contrebandier de llareta à ses heures. La région du Sud Lipez est couverte dans sa majorité par « la réserva nacional de fauna andina Eduardo Avaroa ». Cette réserve a été crée en 1973 pour protéger un écosystème naturel aussi exceptionnel que fragile, composé de flamands roses, de renard des Andes, et d’espèces en voie de disparition comme la vigogne, cousine sauvage du lama, et la llareta, une plante racine à forte odeur aromatique. Carlos va chercher des bottes de llareta dans son camion pour les donner à sa mère et en jette au passage dans le poêle. La llareta, appréciée pour ses vertus médicinales, est principalement utilisée dans la région comme bois de chauffage. La llareta a une combustion très lente et est d’autant plus précieuse que les arbres sont inexistants aux altitudes du Sud Lipez… Carlos se réchauffe une dernière fois les mains au dessus du feu avant de disparaître avec son camion dans une nuit d’encre. La pleine lune va bientôt se lever, et il doit se hâter de contourner discrètement les contrôles routiers et barrages militaires pour rejoindre Uyuni, où il vendra sa cargaison illégale de llareta…

 

Un pays en crise et un Président pro-gringos peu apprécié, surnommé « Gonnie »…


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Manifestations à Sucre, la capitale de la Bolivie...

La mère de Marcos n’a pas la radio, et encore moins la télévision. Mais elle reste bien informée de ce qui se passe dans le pays grâce à son fils, qui profite de ses passages pour lui apporter le journal, et lui faire la lecture des actualités à la lueur des bougies. A l’origine, la Bolivie est une « république calquée et adossée » au modèle des Etats-Unis. Bien qu’ayant connu presque autant de gouvernements et de juntes militaires que d’années d’indépendance, la Bolivie constituait jusqu’au début des années 2000, l’un des pays politiquement les plus stables d’Amérique latine… Comme beaucoup de boliviens, la mère de Marcos n’aime pas l’actuel président Gonzalo Sanchez, qu’elle surnomme « Gonie », à cause de ses promesses non tenues et de son accent de « gringos » à couper au couteau.


Aujourd’hui, En 2003, le peuple gronde et la Bolivie est à la croisée des chemins. Les journaux relatent en boucle la grogne des Boliviens, et les manifestations de masse qui se multiplient partout dans le pays sur fond de chants révolutionnaires : « el pueblo, unido, jamas sera vencido ! ».

 Manifestation à Sucre...


Une guerre du Gaz, des émeutes sanglantes, et « Gonnie » chassé du pouvoir…

« Deux ans que nous attendons le camion du gaz qu’on nous a promis » s’exclame la vieille femme en remuant les braises de son vieux poêle. Les plus grandes réserves de gaz d’Amérique latine ont été découvertes en 2000 à Tarija, dans le sud-est bolivien, à seulement 200 kilomètres de San Pedro... En déclarant la guerre à la production de la coca avec l’aide des Etats-Unis, Gonzalo Sanchez avait déjà ligué contre lui la majorité des paysans boliviens. En décidant d’exporter le gaz bolivien vers les Etats-Unis avant même d’en donner l’accès à ses propres compatriotes, « Gonie » s’est attiré les foudres de tout un pays en crise, suite à des années de gestion désastreuse. La « Guerre civile du Gaz » atteindra son paroxysme lorsque les boliviens apprendront que ce gaz sera exporté via le Chili, l’ennemi de toujours. La perte du désert d’Atacama, riche en cuivre, et de l’unique accès à la mer du pays pendant la Guerre du Pacifique, il y a un siècle au profit du Chili, est une plaie restée béante dans le sentiment national bolivien. C’est la population toute entière qui descendra dans la rue pour chasser ce président qui décidément, ne connaît rien à l’âme de son pays. « Exporter notre gaz par le Chili est une erreur et une véritable atteinte à la sécurité nationale » diront les militaires, dont la devise en hissant les couleurs est la même que celle de tous les écoliers du pays avant d’entrer en classe : « La mer nous appartient et la récupérer est notre devoir !!! ».

 

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Manifestations à LA PAZ, capitale administrative de la Bolivie...


Contraint à fuir le pays face à un mouvement de contestation populaire qu’il réprimera dans le sang, « Gonie » retournera d’où il est venu, aux Etats-Unis, et cèdera la présidence de la Bolivie le 17 octobre 2003 à son vice président Carlos Mesa. Le nouveau président salué par la communauté internationale, mettra en place un gouvernement transitoire formé de personnalités choisies hors des partis politiques. Avec la volonté affichée de mettre fin aux systèmes politiques corrompus au pouvoir ces dernières décennies. Il recevra un accueil chaleureux de la population bolivienne à qui il promettra ni oubli ni vengeance, seulement la justice et l’engagement de poursuivre les responsables des exactions qui auront fait plusieurs dizaines de tués en 5 semaines de répression sanglante et aveugle… En définitive, l'arrivée au pouvoir du vice-président
Carlos Mesa ne stabilisera pas une situation sociale explosive. Le 6 juin 2005, suite à de nombreuses manifestations, Carlos Mesa démissionnera. Et les élections présidentielles suivantes, toujours en 2005, seront remportées par Evo Morales, le premier président bolivien d'origine amérindienne depuis le 19ème Siècle, dont l’action phare, au grand damne des occidentaux, consistera à nationaliser les ressources énergétiques du pays...


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Manifestation à Sucre...


Toucher un fœtus de Lamas pour nous assurer bonheur et fécondité…

Jetant le journal au feu comme pour fuir la violence d’un monde qu’elle ne comprend plus, la vieille paysanne se tourne vers Isabelle. Elle est heureuse que nous soyons mariés mais elle s’interroge. Comment se fait-il que nous nous soyons mariés si tard, à un age où elle était déjà grand-mère ? Qu’importe ! La mère de Marcos nous fait toucher un fœtus de lama, symbole de fécondité, pour nous aider à avoir un enfant le plus vite possible. Nous lui écrirons plus tard de France pour la remercier de cette précieuse attention, et lui annoncer l’arrivée prochaine d’une petite Romane... Les campesinos de la région, qui consacrent toute leur vie à leur travail, à leur famille et à leur religion, ne comprennent pas ces gringos qui voyagent loin de chez eux avec un sac à dos et un appareil photo. Compte tenu des conditions précaires dans lesquelles elle vit, nous n’osons pas dire à la vieille femme que nous sommes là pour notre voyage de noce. Isa lui explique que nous avons travaillé dur, économisé longuement, et fait des sacrifices pour nous payer ce voyage, qui doit nous permettre d’écrire un reportage sur le Salar, et montrer les splendeurs de cette région reculée aux personnes qui ne peuvent pas voyager. La vieille femme satisfaite sourit, et nous souhaite une bonne nuit…

 
Scénettes de la vie quotidienne, de Santa Cruz à La PAZ, en passant par Sucre...

 Isa tire les rideaux élimés de la fenêtre de notre chambre. Dehors, la nuit enveloppe doucement les montagnes du Sud Lipez. Nous laissons les bougies allumées pour gagner de précieux degrés, et nous remémorons en images avec Isa le périple vécu pour arriver jusqu’ici : 

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Arrivée à Santa Cruz...

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Sur les hauteurs de La Paz...

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Eglises de Sucre

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Ecrivains public de Sucre


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Senteurs et couleurs dans le marché couvert de Sucré...

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Ambiance "inter générationnelle" de Sucré...


Des routes sans infrastructures parmi les plus dangereuses du monde !

Aller dans le Sud Lipez par les transports locaux ? Il faut prévoir large, et avoir un cœur bien accroché ! Avec un bus ou un camion qui bascule tous les 15 jours dans le ravin vertigineux qui la borde, la piste rocailleuse qui serpente à travers les montagnes entre La Paz et Caroico, a décroché le titre tristement célèbre de « route la plus dangereuse du monde »… Le seul vrai danger en Bolivie consiste à prendre les transports locaux. Tant à cause d’une infrastructure quasi inexistante, que de l’état et de l’entretien des bus eux-mêmes ! Entre Santa Cruz, la 2ème ville du pays, et Sucre, la Capitale administrative, il n’y a pas de route goudronnée. Seulement 400 km de piste rocailleuse de montagne, que notre bus mettra plus de 12 heures à parcourir ! Puis il y a les grèves qui peuvent survenir à tout instant. Christophe, le français d’Uyuni, nous racontait comment un simple village a récemment paralysé tout le pays pour une histoire de mœurs entre le maire et une élue, en bloquant l’accès à La Paz avec seulement deux camions posés en travers de la voie ferrée et de la principale route de Bolivie…

 


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Et des transports locaux dits « secondaires », dont il ne faut surtout pas abuser !
Et il y a enfin les bus eux-mêmes, souvent laissés à l’abandon faute de moyens, qui s’apparentent à de véritables cercueils roulants pour les moins entretenus. S’il n’y a rien à craindre avec les grandes compagnies qui desservent les principales villes de Bolivie, le récit de notre retour épique d’Uyuni à Potosi donne une image assez fidèle de l’état des transports locaux dit « secondaires » :


Il est 19h00. Départ de nuit d’Uyuni vers Potosi. Notre bus est archi bondé d’indiens venus des alentours faire leur marché. Des boliviens sont debout dans l’allée, d’autres empilés les uns sur les autres sur les banquettes. Un policier coutumier du fait, fait sortir les boliviens debout dans l’allée n’ayant pas de place assise. Mais les mêmes Boliviens remonteront comme par enchantement dans le bus, cinq minutes plus tard à la sortie de la ville… Premières ascensions à flancs de montagne et premiers soucis mécaniques. Nos deux jeunes chauffeurs en surcharge, passent difficilement les vitesses dans des craquements de pignons effroyables. Un premier arrêt en pleine nuit au milieu de nulle part, pour bricoler la commande boîte de vitesse avec du fil du fer, et l’appréhension d’entendre les deux adolescents saoulés à la coca, me dire que nous allons repartir « Ahorita » (dans un instant). Répondre « Manana (demain) » en Bolivie à un problème posé, c’est une façon polie de dire à la personne de repartir avec son problème. « Ahorita » dans la bouche de nos jeunes chauffeurs est plus subtil. C’est sûr, nous allons repartir, mais « dans un instant » qui pourra être une minute, une heure, une journée ou une semaine... Le « Ahorita » qui nous intéresse durera lui deux bonnes heures !...

 
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En attendant le bus pour Uyuni...

Il y a ensuite la course poursuite à flanc de montagne le long de ravins vertigineux. Nos deux jeunes chauffeurs se sont mis en tête de rattraper coûte que coûte le bus qui nous a dépassé pendant leurs deux heures de bricolage, embarquant au passage quelque uns de leurs clients. Une cavalcade qui pousse le bus et les passagers secoués comme des pruniers, au bout de leurs derniers retranchements. Et qui sera interrompue par les cris des boliviens à l’arrière, alertant les chauffeurs que des bagages sont tombés du toit... Une demi-heure pour retrouver les baluchons à la lampe torche en bas du ravin dans une nuit d’encre, puis tout le monde dehors pour pousser le bus qui au passage aura perdu son démarreur !!!

 
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Et le réveil cauchemardesque en pleine nuit par – 20 °C dehors, et à peine mieux dans le bus qui recule contact coupé dans la pente le long d’un ravin vertigineux. Isabelle et moi blottis l’un contre l’autre, emmitouflés dans un duvet qu’elle aura eu la présence d’esprit de garder avec nous. Une descente de trente mètres. Le chauffeur qui profite de l’élan pour enclencher la marche arrière et redémarrer le moteur. Un coup de première et une avancée de vingt petits mètres avant que le moteur ne broute et cale à nouveau. Un manège qui se répète une dizaine de fois, nous faisant plus descendre que monter, et qui finira par inquiéter les boliviens du bus eux-mêmes, normalement imperturbables dans ces situations. La touriste américaine qui demande en anglais si quelqu’un se préoccupe du fait que nous reculons, et qui se met à crier de panique lorsque nous nous mettrons à pencher dangereusement, une roue dans le vide. La vision surréaliste du bus, une fois que je nous en aurai fait descendre, qui s’éloigne le long du ravin en marche arrière au plus profond de la nuit polaire… Il fait trop froid, et le gasoil gèle dans le réservoir. Je l’explique à nos jeunes chauffeurs pour l’avoir vécu à l’armée, et nous repartons pendant une vingtaine de kilomètre jusqu’à la panne seiche, après avoir réchauffé le peu de gasoil qu’il nous reste, en chauffant le réservoir au chalumeau !… Nous arriverons tout de même à Potosi avec huit heures de retard et une nuit blanche dans les pattes, grâce au secours d’un paysan des montagnes qui nous dépannera de quelques litres de gasoil…

 

S’allier Pachamama et les esprits des anciens avant de pénétrer dans le Sud Lipez…

Nous sommes réveillés à l’aube par le bruit métallique de la cafetière bouillonnante posée sur le poêle. Dehors, Marcos vérifie une ultime fois les niveaux du 4x4 et notre cargaison de vivres. Le monde des indiens est peuplé d’une multitude d’esprits dont ceux particulièrement respectés des anciens. Ces esprits, tantôt bien ou mal intentionnés, sont particulièrement actifs dans les contrées sauvages du Sud Lipez.

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Alota...

Marcos pose quelques feuilles de coca sous un caillou, et jette un verre d’alcool contre la voiture pour les mettre de notre côté. La Bolivie est attachée à ses traditions millénaires. Comme pour toutes les maisons de San Pedro, la mère de Marcos a enterré un fœtus de lama sous la première pierre de sa demeure, et mis une croix en bois sur le toit pour la protéger. Mais de toutes les coutumes, la plus fortement ancrée dans l’esprit des boliviens concerne Pachamama, la Terre-Mère, qu’ils considèrent comme un être vivant. Pachamama est la fécondité et la source de tous les biens matériels de la vie terrestre. Avant notre départ, Marcos ne manque pas de verser un peu d’alcool par terre en offrande à « Pachamama », pour assurer la Déesse de toute notre gratitude et lui démontrer sa totale prééminence sur nous…

 

 

Uyuni, caricature de village du Far West, au départ du périple dans le Sud Lipez…

 

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Uyuni...

Marcos pilote son 4x4 comme un as sur les chemins de caillasses et de terre, dans une succession de paysages lunaires. La région montagneuse et isolée du Sud Lipez, aux transports approximatifs, sur un réseau routier inexistant, dans des conditions climatiques rudes et imprévisibles, ne se prête pas à un tourisme classique. Elle demande expérience, sang-froid et endurance. A moins d’avoir son propre 4x4, cinq jerricans d’essence, une semaine de vivres, un GPS, et une bonne étoile à toute épreuve pour ne pas passer une nuit à -25°C perdu ou accidenté au milieu de nulle part, le mieux est de passer par les nombreuses agences qui se concurrencent dans les rues d’Uyuni.
Uyuni est un village du Far West au milieu du désert, balayé par des vents glaciaux semblant venir de l’Arctique. C’est un de ces lieux du bout du monde, qui vous donne l’impression d’être arrivé à l’endroit le plus éloigné de tout. Le dernier village avant le bord de la terre, aux portes de l’inconnu. C’est là que nous avons déniché Marcos et son agence, sur les conseils de Christophe, un jeune français. C’est Christophe qui nous a mis en garde sur les agences de valeur inégales d’Uyuni. « Avec l’afflux grandissant des touristes, le nombre d’agences de voyages proposant des tours dans le Sud Lipez a explosé. Le problème, c’est qu’elles se font la concurrence en tirant les prix au détriment de la sécurité des touristes. Elles font des économies sur tout, sur la nourriture, et plus grave, sur l’entretien des 4x4… ».


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Uyuni...

 

Christophe et son bar « La Loco », en hommage au cimetière de trains de la ville…

 

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Christophe fait partie de ces pionniers capable de tout lâcher pour monter un business au bout du monde et au milieu de nulle part, en ayant le sentiment d’être « au bon endroit au bon moment ». Nous l’avons rencontré sur la place principale d’Uyuni, tandis qu’il distribuait des prospectus pour promouvoir son bar « la Loco ». Christophe a calqué le décor de son établissement, sur un cimetière de locomotives qui constitue la seule attraction touristique d’Uyuni.

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Il faut suivre les rails de chemin de fer pendant deux kilomètres dans le désert à la sortie de la ville, pour tomber sur la vision glauque et un peu décalée d’une centaine de locomotives à vapeur rouillées, dont les plus vieilles datent des balbutiements du chemin de fer il y a plus de 150 ans.


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Christophe est arrivé ici par un concours de circonstance. Venu faire sa thèse de doctorat sur la fête du Gran Poder à La Paz, sur les conseils de son professeur d’ethnologie, il se marie avec une bolivienne, et rencontre des français ayant des parts dans deux bars à La Paz et à Uyuni. Ni une ni deux il largue tout, et s’en va avec sa femme à Uyuni, racheter le reste des parts boliviennes du bar qu’il rebaptisera « La Loco »…

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Et depuis, luttant contre des soirées d’hiver trop longues et les pressions locales de la concurrence, il tient bon ! Christophe fait chaque soir le tour de son établissement pour en inspecter chaque recoin avant de fermer. Il raconte « qu’il n’y a rien de plus facile en Bolivie pour fermer le bar d’un gringos, que de cacher un sac de cocaïne dans les toilettes, et de le dénoncer à la police pour trafic de drogue !»

 

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Cimetière de trains de Uyuni...

Les pionniers d’Uyuni, aux rêves de fortune et de développement touristique…

Après avoir ouvert le Mongo’s à La Paz, et « la Loco » à Uyuni, Christophe et ses copains « co-actionnaires » viennent d’ouvrir un « Mongo’s » à San Christobal dans le Sud Lipez. Ils croient fermement au développement du tourisme dans la région et pour cause ! 70 000 touristes sont passés par Uyuni l’année dernière. D’après Christophe, « C’est 10 fois plus qu’il y a cinq ans, et 5 fois moins que le jour où les routes pour accéder à cet endroit magique du bout du monde seront enfin bitumées ! ». Des rêves de fortune que partage John, l’américain qui tient la pizzeria d’un Hôtel près de la garnison d’Uyuni. John est de Boston où il travaillait comme pizzaïolo. C’est là qu’il a rencontré sa femme bolivienne, venue aux Etats-Unis pour faire ses études à l’université. La famille de la jeune femme, l’une des plus riche d’Uyuni, possède deux hôtels, une épicerie, et bien sûr, une agence de voyage proposant des raids dans le Sud-Lipez. « La région est merveilleuse et le coin va se développer » dit-il, « et au milieu de nulle part, il suffit de faire quelque chose de différent pour que cela marche ! »…

 

Un camp militaire sorti d’une BD, un col à 5200m, et un volcan en activité…

 

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Notre 4x4 avale les kilomètres aux creux des vallées martiennes du Salar de Chigana, sous un reste de pleine Lune du matin. Nous croisons quelques camions roulant toujours par deux pour se secourir en cas de problème, et des voitures avec le volant à droite sans plaque d'immatriculation. Marcos explique que ces voitures d’occasions provenant d'anciennes colonies anglaises, remontent en contrebande du Chili. Nous avons souvent pris à Potosí, des taxis étranges au volant bricolé à gauche avec le tableau de bord à droite !

 
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Marcos arrête le 4x4 au check point d’une caserne sortie à mi chemin des albums de Tintin et du village des Stroumphs.

Une ligne de chemin de fer traverse l’endroit et disparaît au loin dans un paysage lunaire. Je ne peux m’empêcher de braver l’interdiction de photographier ce check point insolite. Mais un soldat mal luné sort en trombe d’une des maisons en forme de champignons, pour me confisquer mon appareil et mon passeport…

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Nous les récupèrerons quelques minutes plus tard contre un magnifique sourire d’Isabelle, et plus cher payé, l’obligation de détruire ma pellicule photo et les clichés durement obtenus lors de notre soirée chez la mère de Marcos… Mais qu’à cela ne tienne, tout est oublié lorsqu’au détour d’une nouvelle piste rocailleuse apparaît soudain le Volcan Ollague et ses fumerolles.

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Le Volcan Ollague...

En descendant de voiture, Isa et moi avons en effet les jambes et le souffle coupés. Tant par le paysage grandiose et unique de la montagne vivante qui s’offre à nous, que par les 5200 mètres d’altitude du col en haut duquel nous nous sommes garés pour l’admirer !

 
Le Sorroche, mal de l’Altitude pouvant provoquer un œdème pulmonaire mortel…

Lors de notre périple dans l’Altiplano Bolivien, nous n’avons réellement souffert qu’une seule fois du « Sorroche », nom local donné au mal de l’altitude. C’était quelques jours plus tôt, à notre arrivée à Potosi. Du haut de ses 4500 mètres d’altitude, Potosi reste la ville d’importance la plus élevée du monde, plus haute que Lhassa au Tibet. Bien heureusement, notre mal de l’altitude à Potosi s’est résumé à une grosse insomnie, couplée à un fort mal de crâne et quelques nausées.

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Dans l'Enfer noir des mines de POTOSI - Cliquez ici...

Les tenanciers de l’hôtel de Potosi nous en ont débarrassés avec un bon bol de « Maté », un remède de grand-mère indienne à base de feuilles de coca. Mais le Sorroche provoqué par une élévation trop rapide de l’altitude, auquel l’organisme n’a pas eu le temps de s’adapter, peut avoir des conséquences plus graves selon les individus. Il peut provoquer un œdème pulmonaire aigu, pouvant être mortel... Le « Maté » ne courant pas les rues dans le Sud Lipez, nous avons pris la précaution de faire le tour des pharmacies d’Uyuni avant notre départ, pour acheter des « Sorroch-pills », un savant mélange d’aspirine, de caféine et de Coca…

 

Lagunes volcaniques multicolores, troupeaux de lamas et envolées de Flamands Roses…

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C’est un nouvel émerveillement à la découverte, plus au Sud, des premières lagunes volcaniques multicolores, peuplées de flamants roses qui picorent l’eau par centaines sous le regard nonchalant des lamas et alpaguas.

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Il y a 360 lagunes dans le Sud-Lipez, qui doivent toutes leur coloration unique, rouge, verte, bleue émeraude ou améthyste, à la présence dans l’eau de minéraux divers, et de phytoplanctons qui réagissent à la lumière du soleil. Le bicarbonate de soude remontant des sols volcaniques dans les eaux chaudes et peu profondes des lagunes, favorisent le développement de l’algue spiruline, qui constitue l’aliment de base des flamants roses. Nous sommes plus gênés par le froid que les échassiers qui promènent tranquillement leur bec dans l'eau pour filtrer les algues.

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Lagunas...

Il est fréquent selon Marcos, de retrouver des étendues de flamants roses morts de faim et de froid à la fin d’hivers trop rudes. Et les flamants avancent tout de même en ligne, dans le sens du vent, pour se préserver du froid glacial et mortel…


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Emmitouflés dans leur épaisse toison de laine, les lamas et les alpagas qui déambulent le long des lagunes en nous dévisageant, se rient littéralement du froid.

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Les peuples des Andes ont tiré pendant des millénaires leur entière subsistance, vêtements et nourriture, des guanacos et des vigognes, ancêtres des lamas et alpagas d’aujourd’hui. La laine dorée et particulièrement fine des vigognes, aujourd’hui en voie de disparition, était la propriété exclusive des empereurs incas. Nous n’en apercevrons au loin que deux petits groupes d’une dizaine d’individus lors de notre périple…


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Lagunas...

Un arbre de pierre et une vallée de roches aux formes insolites et animales…

 

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La route à travers le désert de Siloli, qui mène à la laguna « Colorada », longe une chaîne montagneuse multicolore. Couvertes au sommet de leurs neiges éternelles, les montagnes s’enfuient ensuite dans un dégradé de vert, de jaune et de rouille, signalant la présence de mousse végétale, de souffre et de fer…

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Marcos nous arrête près d’un amas de roches érodées par les vents de sables. Le lieu est sans aucune mesure avec la « Vallée de las Rocas » plus à l’est, un champ infini de roches tortueuses et affûtées, auxquelles le hasard d’une érosion millénaire a fait prendre tantôt la silhouette d’un lion, d’un faucon ou d’une tête de gorille…

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Petits renards des andes qu'Isabelle apprivoisera avec quelques oeufs durs...

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Vallée "de las rocas"...

Mais l’amas auquel Marcos nous a arrêtés recèle un autre particularité géologique : « l’Arbol de Piedra », une masse rocheuse sur un pied fragile se dressant un peu à l’écart, comme montant la garde, et qui a pris au fil des siècles d’érosion, la forme d'un arbre…


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"Arbol de piedra"


Une nuit par -25°C au bord des eaux "rouges-rosées" de la Laguna Colorada...
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Le 4x4 pénètre dans la Reserva de Fauna Andina « Eduardo Avaroa ». Nous nous affranchissons d’un droit d’entrée de quelques « bolos » dans une guérite, et arrivons en fin d’après-midi sur les bords de la Laguna Colorada. Nous posons notre barda dans les baraquements d’une station électrique où nous passerons la nuit, et partons faire le tour de la lagune.

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Malgré ses 80 km², le lac aux teintes rouges rosées qui s’étend devant nos yeux ébahis ne dépasse pas un mètre de profondeur. Il est bordé tout autour par une banquise blanche et pâteuse, dans laquelle nous nous embourbons régulièrement. Cette banquise est un mélange de sodium, de magnésium, de gypse et de Borax, un ciment pâteux et toxique employé pour la céramique…

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La Laguna Colorada siège à plus de 4300 m d'altitude. Et la température chute rapidement en dessous de 0°C lorsque le soleil se met à décliner derrière les montagnes. Nous retournons dare-dare au campement, et retrouvons Marcos faisant le guet transi de froid l’entrée des baraquements, inquiet de ne pas nous avoir vu rentrer avant la nuit. 

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Nous devons nous lever très tôt demain, et Marcos nous emmène aussitôt manger. Isa et moi sourions face à l’image un peu décalée du plat de spaghettis que nous partageons dans une salle toute en longueur, avec une trentaine de jeunes touristes européens et américains, emmitouflés dans des parkas multicolores et tous coiffés de bonnets péruviens…

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Laguna Colorada...

 

«Filet d’acier et épingles à nourrice» contre «attaques de sac à dos au cutter»…

De toutes les nuits que nous passerons dans le Sud Lipez, la plus froide et la moins intime sera celle de la laguna Colorada ! Une nuit de noce que nous partagerons avec la trentaine de jeunes touristes dans la seule chambre de l’endroit. Une pièce spartiate, constituée d’un amas de lits métalliques superposés, disposés en cercle autours d’une demi douzaine de bougies faisant office de chauffage central… Beaucoup de ces jeunes ont des sacs à dos entourés de filets d’aciers.

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Potosi...

A peine débarqués du minibus à Potosi, quelques jours plus tôt, un jeune indien peu discret s’était immédiatement collé à Isa et moi, la main serrée dans sa poche. Il y tenait un cutter. Non pas pour nous agresser, mais pour découper nos sacs à dos et y dérober ce qu’il en serait tombé. Il me suffît de demander au jeune garçon de montrer ce qu’il avait dans la main, pour le voir détaler vers un autre larcin. Cette méthode de fauche, finalement très peu répandue ici, vient du Pérou. Les touristes qui connaissent cette pratique, sont reconnaissables aux bâches en plastic, ou aux filets d’aciers qui entourent leurs sacs. A l’inverse, les touristes venant du Pérou et qui ont été victimes de ces vols, se reconnaissent à la multitude d’épingles à nourrice et de coutures de fortunes que portent leurs sacs à dos… La Bolivie fait partie des pays les plus pauvres d’Amérique latine.Et ses rues sont envahies d’enfants abandonnés, principalement des garçons, qui travaillent dès l’âge de 5 ans 12h par jour pour nourrir leur famille. Les filles sont plus souvent employées à la maison, pour aider aux taches ménagères, ou pour s’occuper de leurs frères et sœurs plus petits. Dans le meilleur des cas, les garçons deviennent cireurs de chaussures, ou aboyeur de destination dans les minibus, et gagnent bien souvent plus que leurs 2 parents réunis. Dans le pire, ils intègrent des réseaux de crime organisé comme le jeune garçon au cutter… Il est difficile dans les microbus de Potosi, de rester insensible devant ces enfants de 5 ans à peine, qui hurlent les destinations, accrochés à la porte dans le vide pour attirer les usagers. Au bout de 3 stations, les enfants sont remplacés par d’autres tout aussi jeunes, et descendent après que les chauffeurs solidaires, leurs ai donné la pièce… Dans les rues froides de La Paz, la veille au soir de notre retour en France, nous donnerons toute la monnaie que nous avons en poche à un petit cireur de chaussure pleurant toutes les larmes de son corps. Le jeune garçon ne voulait pas rentrer chez lui, parce qu’il s’était fait dépouiller de son salaire du jour par une bande organisée…

 

Atterrissage sur Vénus entre fumées et cratères bouillonnants de boue sulfureuse…
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Marcos nous « secoue » à 4h30 du matin. Nous le retrouvons dehors par - 25°C, emmitouflé dans une énorme combinaison lui conférant des allures de bonhomme Michelin. Isa tente de se réchauffer à l’avant du 4x4 tandis que j’aide Marcos les mains gelées à charger les affaires sur le toit…

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Geysers de "Sol de Manana"...

Nous arrivons deux heures plus tard à 5000 mètres d’altitude sur le site surnaturel des geysers "Sol de Mañaña". Le soleil se lève doucement sur un paysage volcanique et lunaire, d’où s’échappent à perte de vue des fumées épaisses, au-dessus de cratères bouillonnants de boue sulfureuse et grisâtre… Marcos gare le 4x4 sur la terre « ferme », devant un geyser artificiel d'où s’échappent avec force des vapeurs de cuivre et de nitrate dans un bruit assourdissant. N’arrivant pas à manipuler nos appareils photos par –20°C, nous nous réchauffons prudemment les mains aux abords du geyser artificiel, avant de nous hasarder au milieu des cratères bouillonnants. Le monde dans lequel nous évoluons a beau être minéral, il est en vie ! On se croirait débarqués sur la planète Vénus ! Je rattrape prudemment Isabelle dont je distingue à peine la silhouette dans les fumées sulfureuses...

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Isa me met en garde aux abords meubles d’un nouveau cratère. La terre qui se dérobe sous nos pieds, peut entraîner une chute mortelle dans ce qui paraît être un simple bain de boue tiède, bouillant tout de même à plus de 200°C ! Isabelle me montre la gerbe de boue qui a atterrit sur son pied, et l’a brûlé au travers de sa chaussure...

 

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Des thermes fumants à ciel ouvert et un désert sorti des rêves cosmiques de Dali…

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Nous déjeunons dans le Salar Chalvari, près des « Thermas del Polque ». Cette nouvelle lagune est connue pour ses bassins fumants d’eau douce.

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Au-delà des vertus curatives pour la peau de ces eaux à 37°C légèrement sulfureuses, il n’y a pas de mots pour décrire la sensation de plénitude ressentie, lorsque l’on se glisse dans ces eaux chaudes, au milieu d’un désert aride et froid…

 

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La piste au sud qui traverse le Salar Chalviri, entre la laguna Colorada et la laguna Verde, traverse un dédale de chaînes montagneuses arides, dans une symphonie de teintes caramels et chocolatées.

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La route rocailleuse longe , à mi-chemin l’un des plus beau désert du monde, comme sorti des rêves cosmiques de Salvador Dali. Un jardin japonais sert d’avant plan à une longue dune de sable fin, parsemée d’élégantes roches cylindriques de plusieurs tonnes.

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Ce lieu a t-il réellement inspiré le peintre comme l’affirme la légende ? Ou est-ce le hasard qui est à la source de sa ressemblance avec certains de ses tableaux ? Malgré les affirmations convaincues de Marcos, nous pencherons tout de même pour la version troublante du hasard…

 
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Une Lagune verte émeraude au pied d’un volcan à 6000m sur la frontière chilienne…

 


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Nous arrivons aux termes de notre voyage de noce sur le site préféré des photographes du National Géographic et des scientifiques de la Nasa, qui en collectionnent les clichés pris de la Navette Spatiale.

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La laguna Verde, à 4500 m d’altitude, doit sa couleur vert émeraude unique, à un mélange de magnésium, de sodium, de calcium, de plomb et d'arsenic. La lagune reflète l’image du volcan Lilacancabur, qui siège du haut de ses 5900m sur la frontière avec le Chili.

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De l’autre côté de la montagne, du haut de laquelle étaient jetés de jeunes incas en sacrifice pour attirer la bienveillance des dieux, commence le désert aride de l’Atacama…

 

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Echoppe sur les bords de la Laguna Verde, pour faire le plein d'eau douce et de victuailles avant de passer la frontière Chilienne...

Une petite pierre pour remercier l’Achachilla, Dieu de la montagne, de sa clémence tout au long d’un périple sans pareil, dans l’univers minéral et vivant du Sud Lipez…

Un petit tas de pierres devant la Laguna Verde, nous rappelle que la religion animiste ancestrale des Andes, continue de régir ici la vie de tous les jours. Le même petit tas de pierres que bénissent les lamas, au Tibet, en haut des cols de montagnes pour honorer les esprits des anciens. Le même petit tas de pierres, que ceux qui parsèment les terres de Mongolie extérieure, du fait des chamans qui un jour, ont passé le Détroit de Bering avec leurs tribus, pour venir peupler l’Amérique Latine. Un petit tas de pierre qui rappelle que l’on fait plus ici appel au « curandero », le guérisseur, qu’au médecin. Et qu’un peu d’herbe et quelques incantations, ont plus d’effet qu’un stéthoscope et des antibiotiques… Un petit tas de pierre au-dessus duquel il faut, lorsque l’on arrive jusqu’ici sans encombre, poser sa propre pierre en signe de respect envers l’Achachila, le dieu millénaire de la montagne. C’est Isabelle qui posera délicatement notre petite pierre blanche sur le monticule séculaire, pour remercier l’Achachila de sa clémence, et pour le spectacle minéral et les visions extraordinaires qu’il nous aura procurés pendant ces quelques jours de traversée du Sud Lipez.


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FIN

commentaires

D
c'est un réel plaisir de partager vos expériences ! merci !
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V
<br /> Awesome! J'ai vraiment aimé être sur votre message .. Je suis content, j'ai visité ici et viennent de connaître l'endroit .. Je vais certainement le partager avec mes amis .. Je voudrais pouvoir<br /> être là et expérimenté de telles vues ..<br /> <br /> <br />
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V
<br /> Bonsoir,<br /> Nous ne nous connaissons pas, mais grace à votre superbe blog sur ce superbe endroit qu'est l'Altiplano bolivien, le sud lipez, Uyuni...<br /> j'ai pu voir que nous partagions en commun l'amour d'un endroit unique parmi les merveilles de la nature.<br /> Merci donc pour ce voyage photographique très réussi !<br /> Et bon choix pour un voyage de noces ! ;-)<br /> Voyageusement,<br /> Vincent<br /> <br /> <br />
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M
Un grand chapeau pour tous vos reportages de qualité!
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